Tourisme : En remontant le fleuve Sénégal... sur le « Bou el Mogdad »
Photo Jacques Naismith
Les présidents Emmanuel Macron et Macky Sall y étaient le 3 février dernier. Par son histoire, sa culture et son art de vivre, Saint-Louis du Sénégal reste une destination privilégiée... Malgré l'actualité dramatique au Sahel, les voyagistes ont appris à s'adapter : la croisière de Saint-Louis à Podor en est un bel exemple. Reportage.
De notre envoyé spécial à Saint-Louis du Sénégal, Bruno Fanucchi
« Le Sahel est désormais un terme beaucoup trop connoté et pratiquement synonyme de djihadistes ou terrorisme, c'est pourquoi nous allons nous recentrer sur notre destination première : le Sénégal». Grand connaisseur de l'Afrique, où il a beaucoup bourlingué, Olivier Théry est engagé avec quelques associés depuis plusieurs années dans l'aventure de « Sahel Découverte », une agence de voyages basée à Saint-Louis du Sénégal, et dans La Compagnie du Fleuve qui exploite le « Bou el Mogdad » remontant le fleuve Sénégal de comptoirs en comptoirs.
Suite aux attentats de Bamako et de Ouagadougou, fin 2015, où les cibles des djihadistes étaient de grands hôtels fréquentés par les Occidentaux, tous les voyagistes ont dû s'adapter : suspendre des destinations trop risquées au Sahel, prendre des mesures d'urgence pour sauver les circuits qui pouvaient l'être et faire face aux nouvelles menaces.
Le Sénégal, où la sécurité a été renforcée dans tous les grands hôtels de Dakar comme le King Fahd Palace (ex-Méridien) à la Pointe des Almadies, le Radisson Blu ou le Terrou Bi sur la corniche, espère bien être épargné par les « fous d'Allah ». Pays musulman à 95 %, le Sénégal pratique plutôt un islam tolérant et ouvert, contrôlé de par les puissantes confréries Tidjane et Mourides. Et les autorités du pays n'ont pas hésité à mettre sous contrôle les mosquées et imams aux prêches trop radicaux. Pour que le Sénégal reste le « pays de la teranga », son hospitalité (en wolof) légendaire.
"C'est la meilleure source de devises
du pays après la pêche"
Bien desservi notamment par la compagnie Corsair, qui pratique sur Dakar des prix toujours compétitifs et attractifs, le Sénégal veut sauvegarder le tourisme qui constitue sa 2ème source de devises après la pêche. Une manne précieuse pour la réussite du PSE (Plan Sénégal émergent) mis en place par le président Macky Sall. Depuis le 1er mai 2015, les visas ont d'ailleurs été supprimés pour entrer au Sénégal et le tourisme est enfin reparti à la hausse. Avec pour objectif affiché d'atteindre deux millions de touristes d'ici fin 2018. Voyagistes et tours opérator multiplient donc les offres pour en recueillir les fruits.
Native du Sénégal, Aminata Konté, qui est à Paris directrice-adjointe du département Afrique/Iles de Nomade-Aventure, spécialiste des voyages solidaires et des voyages « en immersion » totale au sein des populations locales, reconnaît devoir s'adapter en permanence à l'actualité et à la réalité du terrain. Après le Niger et le Mali où tous les circuits ont été fermés depuis l'enlèvement d'otages occidentaux, le Burkina Faso a été victime des soubresauts consécutifs au renversement du président Blaise Compaoré et « plus question, par exemple, de déambuler en mobylette ou en vélo en pays senoufo qui, au Burkina Faso, constituait pourtant une exclusivité et notre premier produit en Afrique de l'Ouest...».
« Au Sénégal, poursuit-elle, nous conservons en revanche treize circuits différents, dont trois qui peuvent se faire en famille, et des voyages sur mesure, à la demande, aussi bien en Casamance que dans le nord».
Le Djoudj est la 2ème réserve
ornithologique du monde
Saint-Louis, l'ancienne capitale de l'AOR (Afrique occidentale française) qui a gardé le charme colonial des années 50, reste une destination encore privilégiée et protégée. La ville renaît avec joie tous les ans à l'occasion du Festival international du Jazz, qui attire les plus grands compositeurs. Sa prochaine édition se déroulera du 22 au 26 avril. « Saint-Louis, c'est aussi un village où l'on vit à un autre rythme», confie Ablaye Cissoko, l'enfant du pays qui sort régulièrement de nouveaux CD de kora comme « Le griot rouge » ou « Jardins secrets ».
« Nous faisons le maximum pour restaurer et nettoyer la ville de Saint-Louis et - malgré l'actualité régionale plutôt sombre – défendre cette destination, fidéliser et satisfaire notre clientèle », souligne Mme Muriel Bancal, Consul de France honoraire et directrice très accueillante de La Résidence. A deux pas de son hôtel parfaitement restauré dans le style colonial, est amarré sur le quai - non loin du pont Faidherbe dont l'une des travées a dû pivoter pour le laisser passer - l'un des joyaux de Saint-Louis : le « Bou el Mogdad ». Chaque semaine, ce beau bâteau blanc remonte jusqu'à Podor le fleuve Sénégal (faisant office de frontière avec la Mauritanie) comme on remonte le temps pour une croisière des plus originales.
Construit en Hollande en 1950 pour les Messageries du Sénégal, le « Bou » est un bateau mythique qui – pour 70 passagres maximum - emploie un équipage d'une vingtaine de membres aux ordres du capitaine Goudiaby. Une superbe croisière à l'ancienne qui - au cours d'une escale inoubliable – permet notamment d'admirer au plus près les milliers d'oiseaux (pelicans, cormorans, aigrettes, hérons ou flamants roses) du Djoudj, 2ème réserve ornithologique du monde par sa richesse et sa variété, et qui n'a surtout plus d'équivalant sur tout le Continent Noir !
Pour assurer la sécurité de cette croisière et aller – selon l'expression du capitaine « au bout du Bou » - les mesures nécessaires ont bien évidemment été, là encore, prises depuis de longues semaines avec un impératif évident et compréhensible pour qu'elles soient pleinement efficaces : la plus grande discrétion. Les voyagistes responsables ne cessent de s'adapter et de faire preuve d'imagination.
Pour tous renseignements complémentaires sur ces destinations touristiques au Sénégal, deux sites incontournables : www.compagniedufleuve.com et www.saheldecouverte.com
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