L'Alliance des États du Sahel (AES), un bilan mi-figue mi-raisin
La première année d’existence de l’Alliance des États du Sahel est perçue par de nombreux observateurs comme une victoire diplomatique. Cependant la question de défense et de sécurité reste les chantiers qui n’ont pas donné satisfaction du fait de la montée en puissance des groupes terroristes dans la région.
L'Alliance des États du Sahel (AES) encore appelée Liptako-Gourma a été officiellement créée le 16 septembre 2023 par trois pays dirigés par des régimes militaires. A savoir, le Mali dirigé par Assimi Goïta, le Burkina Faso par Ibrahim Traoré et le Niger par Abdourahamane Tiani à la suite du coup d'État du 26 juillet 2023 au Niger, contre lequel la CEDEAO avait menacé alors d'intervenir militairement pour libérer Mohamed Bazoum, le président déchu.
Cette alliance est donc née dans un contexte particulier. Il y a eu quatre temps forts. Tout d’abord le retrait de la force française Barkhane officiellement le 15 août 2022, la sortie de ces trois pays de la CEDEAO, la montée en puissance de l'insécurité liée au terrorisme et le rapprochement avec la Russie. La conjugaison de ces facteurs ont conduit à la création de cette nouvelle organisation sous-régionale.
Au plan de la sécurité et défense, les objectifs de l'AES selon ses fondateurs est de mener une lutte commune contre le terrorisme, la mutualisation des moyens militaires, l’assistance mutuelle en cas d'agression et la coordination des opérations militaires.
Au plan de la coopération économique, ces trois pays ont décidé la création d'un marché commun, la facilitation des échanges commerciaux, le développement d'infrastructures communes et la coordination des politiques monétaires
Souverainistes, ils affichent fièrement une certaine affirmation de leur indépendance vis-à-vis des puissances occidentales, un renforcement de la coopération Sud-Sud et la protection mutuelle contre les sanctions internationales
En s’affranchissant de l’ancienne puissance coloniale, le Mali, le Burkina Faso et le Niger se sont tournés vers la Russie, leur allié stratégique. Moscou apporte entièrement son soutien logistique par la fourniture d'équipements militaires, la présence du groupe Wagner (particulièrement au Mali), la formation des forces armées locales et le partage de renseignements. Le soutien du Kremlin ne s’arrête pas là. Moscou apporte à l’AES son soutien diplomatique qui se traduit par sa protection au Conseil de sécurité de l'ONU, son opposition aux sanctions internationales et sa promotion d'un ordre mondial multipolaire. En se substituant aux pays occidentaux, Moscou compte bien jouer tous les rôles dont celui d’une coopération économique décomplexée avec ses nouveaux alliés africains. Cela s’est conclu par des accords commerciaux préférentiels, des investissements dans les secteurs miniers, la fourniture de céréales et d'engrais et d’innombrables projets d'infrastructures
À court terme, l'alliance semble solide grâce au soutien russe et à la convergence d'intérêts des régimes en place. Cependant, sa pérennité à long terme dépendra de sa capacité à démontrer son efficacité contre le terrorisme, à développer une autonomie économique, à gérer la transition vers des régimes civils et à diversifier ses partenariats internationaux.
Historiquement, l'AES représente une expérience unique de coopération régionale au Sahel, dont l'évolution aura des implications majeures pour l'ensemble de l'Afrique de l'Ouest. Après seulement une année d’existence, ces États sont satisfaits du chemin parcouru en dépit des nombreux obstacles. La réussite de cette alliance pourrait redéfinir les équilibres géopolitiques en Afrique de l'Ouest, tandis que son échec risquerait d'aggraver l'instabilité régionale.
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