Femua 11 : Un « livre blanc » pour freiner le phénomène de l’immigration clandestine

Femua 11 : Un « livre blanc » pour freiner le phénomène de l’immigration clandestine

Le groupe Magic System, initiateur du Festival de Musique Urbaine d’Anoumabo (Femua), s’associe avec des experts de l’Onu pour produire un « livre blanc » sur « la jeunesse et l’immigration clandestine », thème de la 11ème édition qui se déroule à Abidjan du 17 au 22 avril.

De notre envoyé spécial à Abidjan, Clément Yao

Pendant les six jours que va durer ce Festival devenu le rendez-vous annuel des meilleurs artistes du moment et de leur public, la question de l’immigration est au cœur des échanges. Les journées des 17 et 18 avril consacrées au « Carrefour jeunesse » ont été l’occasion pour les jeunes Ivoiriens de débattre de ce sujet d’actualité avec des représentants de l’Organisation internationale pour les migrants (OIM), du Haut commissariat pour les réfugiés (HCR), du gouvernement et des leaders de la jeunesse.

Pour « éveiller » les consciences, un film émouvant sur l’immigration et ses dangers, rappelant les atrocités infligées aux migrants africains réduits à l’esclavage en Lybie et relayées par les médias du monde entier,  a été projeté pour la circonstance. En apparence, ce documentaire qui retrace les dures réalités de ce fléau ne semble pas vraiment décourager certains jeunes qui croient dur comme fer que l’espoir d’une vie meilleure se trouve en Europe et non en Afrique en dépit de la série noire d'innombrables victimes  en Méditerranée et dans l’enfer du désert libyen.

La situation paraît plus inquiétante qu’on le pense, comme le démontrent certains rapports. Quelque 77 % de la population ivoirienne (estimée à 23 millions d'habitants) ont moins de 35 ans. Or, le phénomène touche essentiellement cette classe d’âge. « Les récentes statistiques font état de 800 migrants illégaux enregistrés sur les côtes italiennes du 1er janvier au 15 février 2017 et de 11 000 migrants ivoiriens qui ont traversé la méditerranée en 2016 » selon des sources officielles italiennes. La Côte d’Ivoire est classée en tête de liste de l’immigration clandestine dans la sous-région par l’OIM.

"Notre rôle n'est pas

de fermer les frontières"

Selon Mme Marina Schramm, chef de mission de l’OIM en Côte d’Ivoire, « notre rôle n’est pas d’empêcher les jeunes de partir ou de fermer les frontières. Notre message principal est de dire aux jeunes de bien s’informer et de bien réfléchir avant de risquer leur vie. Nous leur expliquons les opportunités qui existent ici pour qu’ils prennent conscience qu’ils peuvent investir leurs économies dans des activités qui peuvent leur garantir un bel avenir.»

Des enquêtes ont, en effet, révélé que les candidats à l’immigration clandestine paient entre 3.000 et 4.500 euros aux réseaux de passeurs pour obtenir le ticket qui donne droit à cette aventure périlleuse sans issue. Des sommes qui représentent une petite fortune pour l’Ivoirien moyen et qui pourraient servir de capital de départ pour démarrer une petite affaire, a fait savoir la chef de mission.

C’est à ce difficile exercice pédagogique et de sensibilisation que s’est essayé le Commissaire général du Femua, Salif Traoré, devant des jeunes qui ne croient plus en rien, même pas aux promesses du pouvoir public. Ambassadeur de bonne volonté de l'Unesco, Salif Traoré, dit A'Salfo, a partagé avec un public de jeunes à son écoute des appels de détresse reçus de ses compatriotes dont l’aventure dans l’immigration clandestine a tourné tout simplement au cauchemar.

"C'est une gangrène pour la jeunesse"

Ces derniers ne sachant à quel saint se vouer lui demandent en effet de les aider à rentrer au pays. Livrant également sa propre expertise, Salif Traoré a indiqué que le chômage des jeunes, le dérèglement climatique ou encore l’instabilité chronique des Etats africains ne sont pas forcément les seules causes de ce phénomène. « L’immigration est aussi culturelle parce que nous connaissons des fonctionnaires et même des personnes qui ont un emploi confortable qui abandonnent tout pour aller tenter l'aventure en Europe. »

Le Commissaire général du Femua est même allé plus loin dans sa réflexion. Pour lui, « les devanciers », autrement dit les pères des Nations africaines depuis les années des indépendances, n’ont pas pris la peine de préparer l’avenir de la génération actuelle. Il conseille que celle-ci prenne conscience de la situation pour éviter de tomber dans l’abîme. « L’immigration clandestine est une gangrène pour la jeunesse », lâche-t-il. 

Salif Traoré s’est surtout offusqué des nombreux milliards d’euros investis par l’Union européenne pour protéger ses frontières contre l’immigration clandestine. Il a soutenu que cette manne devrait servir à créer plutôt des emplois en Afrique afin de juguler le phénomène en amont. Plus d’une fois, son statut d’artiste de renommée mondiale lui a permis d’en discuter directement avec des dirigeants européens. 

Pour remédier au phénomène de l’immigration clandestine, Salif Traoré a annoncé que le Femua et des experts de l’OIM vont produire dans les prochains jours un « livre blanc » qui sera remis aux autorités ivoiriennes. Espérons que ces recommandations ne resteront pas lettre morte et soient prises en compte dans la politique générale du pays.

Clément Yao

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