« La presse foisonne au Togo et c'est une bonne chose »
Arimiyao TCHAGNAO, Président du Conseil National des Patrons de Presse du Togo @Photo Frédéric Reglain
Nouvellement élu président du Conseil National des Patrons de Presse (CONAPP) du Togo, Arimiyao Tchagnao veut que la presse – par son pluralisme – participe à la résolution de la crise politique et au développement du pays. Portrait-entretien.
Par Bruno Fanucchi
«Avec aujourd'hui plus de 400 titres rien que pour la presse écrite, 13 télévisions et pas moins de 70 radios, dont 33 pour la seule ville de Lomé, notre capitale, sans compter de nombreux sites d'infos en ligne, la presse foisonne au Togo et c'est une bonne chose pour le pays même si celui-ci ne compte que 7 millions d'habitants ». C'est le constat dressé par le tout nouveau « patron des patrons » de presse du Togo, de passage à Paris.
Elu le 18 mai dernier – à l'issue d'un Grand Oral réussi devant la Haute Autorité de l'Audiovisuel et de la Communication (HAAC) - à la tête du Conseil National des Patrons de Presse (CONAPP), où il succède à Jean-Paul Agboh, directeur de Focus Infos, pour un mandat de 2 ans, Arimiyao Tchagnao se réjouit du pluralisme de la presse togolaise, qui doit contribuer au développement du pays. Et il s'est en quelque sorte assigné comme mission de mieux encadrer, réglementer et défendre la profession qui - en Afrique – constitue toujours un secteur « très sensible ».
Pour se faire respecter et entendre, par l'administration comme par les politiques, cet homme de médias ne manque pas d'expérience ni d'idées originales et novatrices. Comme en témoigne d'abord son parcours professionnel : directeur de l'hebdomadaire « Nouvelle Opinion » qu'il a fondé et lancé en 2001, il a également été conseiller Communication du Ministère de l'Action Sociale et de la Promotion de la Femme - « où j'ai vu défiler au moins cinq ministres » - de 2005 à 2013, s'est occupé un temps du Port autonome de Lomé (où est bien implanté un certain Vincent Bolloré) puis a été élu président de l'Association des Journalistes Africains pour la Sécurité Maritime (JASEMA) à la veille du Sommet extraordinaire de l'Union Africaine sur la Sécurité maritime qui s'est déroulé en octobre 2016 à Lomé et a constitué le grand retour du petit Togo sur la scène internationale.
« Relever les défis auxquels
est confronté notre pays »
Marié, père de quatre enfants, Arimiyao Tchagnoa, qui a une carrière déjà bien remplie, a l'ambition à 50 ans – et à ce poste désormais stratégique – d'essayer de faire bouger les choses au Togo, dont la presse ne doit plus rester le maillon faible. Par son professionnalisme, qui doit chaque jour se renforcer, et son dynamisme, elle peut en effet contribuer – laisse-t-il ouvertement entendre - à la relance économique du pays et même à la résolution, ou du moins à l'apaisement, de la crise politique qui le mine depuis bientôt un an.
Son mandat à la tête des 96 membres du CONAPP, il l'a donc placé sous le signe de l'ouverture, de l'humilité et de l'action qui seront ses trois mots clés pour tenter d'unifier la profession, de mieux défendre les journalistes qui – ici comme ailleurs – n'ont pas toujours bonne presse, et de trouver un modèle économique rentable pour les différents médias qui participent à la liberté d'expression et concourrent donc à une information plus sérieuse et responsable. « Le travail est immense, reconnaît-il humblement, mais le jeu en vaut la chandelle pour relever les défis auxquels est confronté notre pays, et même l'Afrique en général ».
Mais la profession, ajoute-t-il en substance, doit aussi se donner de nouvelles règles acceptées par tous pour inspirer confiance et respect avec la délivrance, par exemple, d'une Carte de Presse contrôlée par la Haute Autorité et la rédaction prochaine d'une Convention collective pour mieux fixer et régir les droits, obligations et devoirs des journalistes dans un pays où il suffisait jusqu'à présent de 10.000 francs CFA (15 euros) pour se déclarer « journaliste » et faire parfois circuler sur les réseaux sociaux des rumeurs ou informations non vérifiées.
« Nous faisons l'apprentissage de la démocratie »
Dans la foulée de sa venue à Paris, ce patron de presse togolais s'est donc également rendu à Bonn (Allemagne) pour participer au Global Media Forum, une rencontre annuelle qu'organise la Deutsche Welle. C'est l'occasion de débattre avec d'autres journalistes, d'enrichir son carnet d'adresses et de prendre tous les contacts utiles pour d'éventuels partenariats. Car « nos journalistes doivent faire un grand effort de formation ».
« Tout s'apprend et je viens ici pour me mettre à votre écoute et découvrir cette expérience qui nous manque encore au Togo où nous faisons l'apprentissage de la démocratie », avoue-t-il en toute simplicité avant d'ajouter : « Il va nous falloir par exemple encore beaucoup de travail pour formaliser et enregistrer les sites d'informations pour que ceux-ci deviennent plus professionnels et irréprochables ».
De retour au Togo, il a décidé de s'attaquer en priorité à trois questions majeures et nécessaires pour qu'une presse indépendante et pluraliste puisse vivre dignement et faire vivre correctement tous ceux qui y participent : le marché publicitaire, les éventuelles subventions de l'Etat et la mise en place d'une véritable messagerie pouvant assurer la distribution des journaux et magazines. Vaste programme !
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