Mme Estelle Ondo, Ministre gabonaise de l’Egalité des Chances : « Ce Forum d'Abidjan avec les femmes, du monde arabe est une grande première »
Mme Estelle Ondo, Ministre gabonaise de l’Egalité des Chances, en charge de la Décennie de la Femme
Le 1er Forum International des Femmes Entreprenantes et Dynamiques (FIED 2018) a réuni les 6 et 7 juillet à Abidjan des femmes d'affaires du monde arabe et de l'Afrique sub-saharienne. Ministre gabonaise de l’Egalité des Chances, en charge de la Décennie de la Femme, Mme Estelle Ondo y participait et a apprécié ces échanges et rencontres inédites. Interview.
Propos recueillis à Abidjan par Bruno Fanucchi
L'Afrique Aujourd'hui :
Vous venez d’assister au 1er Forum des Femmes Entreprenantes et Dynamiques d’Abidjan à la tête d’une importante délégation gabonaise. Qu’en avez-vous retenu ?
Mme Estelle Ondo :
Nous avons été invités à ce premier Forum d'Abidjan où je suis venue avec une importante délégation. Je tiens à remercier d'abord le chef de l'Etat ainsi que le Premier rministre qui m'ont autorisée à venir participer à ces assises et à remercier également les autorités ivoiriennes pour leur accueil. La question du genre est importante pour notre chef de l'Etat qui accorde une attention particulière au développement humain et à l'autonomisation des femmes gabonaises. Il a donc jugé intéressant que nous puissions assister à ce Forum qui est, pour nous, une opportunité d'échanges avec nos autres sœurs africaines ainsi que les femmes du monde arabe. Cela a donc été un moment très enrichissant et c'est avec beaucoup de plaisir que nous avons participé à ce Forum dont l'originalité était de réunir pour une grande première les femmes d'affaires arabes et africaines.
Quelles sont les opportunités d’affaires qui se présentent pour le Gabon en Côte d'Ivoire comme dans le monde arabe ?
Elles sont nombreuses. La présence massive des femmes à ce Forum démontre que celles-ci ont pris à bras le corps leur destin. Ces assises ont permis : 1/ de développer un réseau de femmes entreprenantes et dynamiques. De mieux développer l'approche genre dans le secteur économique et de pouvoir bénéficier de l'expérience de nos sœurs africaines et arabes. Au vu des panels qui se sont tenus pendant ce Forum, on a pu voir le dynamisme des femmes arabes engagées dans différents secteurs d'activité. Cela va permettre de fructueux échanges dans le secteur de l'agriculture, des nouvelles technologies comme de l'environnement. Nous repartons d'Abidjan avec tout ce « package» pour déterminer quelles seront nos priorités en terme d'activités économiques.
Quelles suites concrètes peut avoir ce rendez-vous d’Abidjan initié par Mme Djelika Yéo et dont le thème était cette année : « La femme incubateur du Développement » ?
Cela nous déjà permis de savoir qu'il y a d'importants fonds mis à la disposition des femmes et d'avoir toutes les informations. Car, même au niveau de la Côte d'Ivoire, nous avons pu constater que beaucoup de femmes ne savaient pas où s'adresser. Quand nous voulons parler développement, au-delà du potentiel des femmes, il faut de l'accompagnement en terme de formation et d'accès à la ressource. Voilà ce que nous allons développer ensemble avec les femmes arabes. C'est donc une première de très haut niveau, une grande première qui nous a permis de déblayer le terrain, de savoir ce qu'il faut faire et où s'adresser pour avoir accès à ces financements. Nous allons faire un véritable plaidoyer pour que les femmes aient accès aux ressources financières.
« Le Gabon est avant-gardiste
pour le développement des femmes »
Au sein de votre délégation, on remarquait plusieurs personnalités d’associations féminines, dont Mme Sidonie Flore Ouwé, présidente du Salon de la Femme. Que pensez vous de l’implication de la société civile fortement représentée ici dans ce Forum d'Abidjan ?
Je pense que nous ne pouvons pas aujourd'hui parler de développement, gérer nos pays et mettre de côté la société civile. Ancien Procureur de la République de Libreville, Mme Sidonie Ouwé est une femme engagée et qui s'est d'autant plus engagée aux côtés des femmes qu'elle connaît parfaitement les insuffisances ou manques d'informations dont elles souffrent en terme de droit ou d'accès aux financements pour entreprendre. C'est ce que nous sommes venues chercher à Abidjan et je me félicite donc de l'implication de la société civile dans tous les secteurs d'activité. C'est une vision du chef de l'Etat qui implique non seulement les politiques, mais aussi la société civile dans le développement économique, social et politique de notre pays. C'est donc une très bonne chose.
Nommée tout récemment à la tête de ce ministère à l'appellation originale, quelles sont vos priorités pour les femmes ?
Vous savez déjà que le Gabon est avant-gardiste en ce qui concerne le développement des femmes. Je l'ai rappelé lors de mon intervention au Forum : l'ancien président Omar Bongo Odimba avait décrété la Journée nationale de la Femme qui est célébrée chez nous chaque 17 avril, en souvenir de la première femme entrée au gouvernement. C'est une journée qui permet de voir chaque année où nous en sommes sur le plan juridique, économique et social. Soucieux aussi de l'autonomisation de la femme, le président Ali Bongo Odimba a décrété en 2015 la « décennie de la femme » et un plan décennal sur l'autonomisation a été mis en place.
Vous inscrivez donc votre action dans le cadre de la « décennie de la femme »...
Mes priorités sont dans la ligne droite de la vision et du projet du chef de l'Etat. Nous avons déjà entrepris une refonte du Code civil pour éliminer toutes les formes de discrimination qui existaient dans la première partie du Code surtout en matière matrimoniale. Ce travail là a déjà été fait. Le président a la vision de l'égalité d'accès aux emplois publics et administratifs des hommes et des femmes. Cela a aussi été mis en œuvre. Il a institué la présence d'au moins 30 % de femmes au sein du gouvernement et nous allons vers la parité. Il a vraiment cette vision égalitaire pour effacer toutes les discriminations qui existaient jusqu'à présent à l'égard des femmes. Nous allons faire un premier bilan de cette décennie et de ce plan d'action au bout de trois ans pour savoir où nous en sommes.
« Il faut que les Gabonais se parlent »
Comment mieux défendre les droits des femmes au Gabon ? Pouvez-vous nous donner des exemples concrets des réformes qui vous semblent urgentes et nécessaires pour faire évoluer la société ?
Nous devons d'abord commencer par tout l'aspect juridique. Il existait dans notre corpus juridique quelques discrimination et, là, nous avons fait un toilettage des dispositions qui discriminaient la femme, surtout en matière matrimoniale, où l'autorité parentale était l'apanage de l'homme seul, où le domicile conjugal était choisi uniquement par l'homme, etc. Nous avons également le plaidoyer qu'a porté la Première Dame du Gabon, Mme Sylvia Bongo, en ce qui concerne les droits de la veuve et de l'orphelin et une Journée de la veuve a été décrétée sous son impulsion et s'est déroulée le 3 juin dernier. L'Etat gabonais a donc fait déjà des efforts pour enrayer ces dicriminiations, mais il nous faut maintenant aller beaucoup loin et faire de la sensibilisation car il y a encore beaucoup de femmes, souvent dans l'arrière-pays, qui ne sont pas informées de leurs droits. Nous allons entamer ce travail de sensibilisation : les textes sont là, mais il reste à les faire connaître et appliquer car nous devons faire face également au poids de la tradition. Les veuves, par exemple, ont désormais tous les outils juridiques pour saisir les tribunaux, mais au regard du poids de la tradition beaucoup d'entre elles reculent. Il nous faut vulgariser toutes les décisions prises en faveur des femmes.
Mais la polygamie n'est-elle pas toujours légale et reconnue dans le Code civil au Gabon ?
Je me dis toujours que nous ne pouvons pas aller à l'encontre de la société. La polygamie existe au Gabon, mais il y a aussi la monogamie. Chaque Gabonaise a donc le droit de choisir le régime qu'elle veut. Ce n'est pas imposé. Personnellement, je ne pense pas que la polygamie soit un problème. Nous avons des cultures différentes entre l'Occident et l'Afrique et c'est juste un problème de choix. Le Gabon est un pays où chacun a le choix de choisir son régime matrimonial.
Comment sortir de la crise politique qui mine le Gabon et ralentit l'activité économique depuis août 2016 ?
Au lendemain de l'élection présidentielle d'août 2016, le chef de l'Etat a initié ce que l'on appelle le « dialogue national », un dialogue avec toute la classe politique, qu'elle soit de l'opposition, des partis au pouvoir ou de la société civile. C'est déjà le premier pas d'une réconciliation. Et les personnalités politiques qui ont accepté cette main tendue ont pris part à ce dialogue national qui a eu lieu pendant deux mois à Libreville. Toutes les grandes questions y ont été débattues : la réforme de nos institutions, le renforcement de l'Etat de droit et tout simplement le rétablissement d'une paix sociale que nous avions perdue au lendemain de la proclamation des résultats de 2016. Je pense que c'est déjà un premier pas. Il faut que les Gabonais se parlent. L'autre partie de l'opposition qui n'a pas jugé utile de venir à ces assises, nous respectons également ses positions. C'est par le dialogue et le pardon que nous pouvons faire avancer les choses et des mesures ont été prises pour faire sortir notre pays de la crise éonomique que nous traversons. Nous devons être plus performants au niveau de notre administration et de la fonction publique. Tout le monde a pu voir les mesures courageuses prises par le chef de l'Etat en ce domaine. C'est vrai que cela avance lentement mais sûrement.
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