Côte d'Ivoire : Les « microbes » sont-ils devenus les « Tontons Macoutes » du régime Ouattara ?
A quelques jours de la présidentielle les "microbes" sont utilisés pour terroriser les populations hostiles au régime du président Alassane Ouattara.
Les violences et les crimes crapuleux perpétrés ces derniers temps par les « microbes » à l’encontre des opposants au régime d’Abidjan et des populations civiles plongent la Côte d’Ivoire dans une spirale meurtrière semblable aux assassinats ciblés des « Tontons Macoutes » du temps de la dictature de Duvalier en Haïti.
Par Clément Yao
L'expression « Macoutisme » utilisée pour désigner les régimes politiques autoritaires voire dictatoriaux, qui érigent la corruption en système de gouvernance et usent de la violence contre les opposants et les civils pour se maintenir au pouvoir, peut être désormais employée dans le contexte ivoirien.
Cette expression tire son origine du temps du dictateur Jean-Claude Duvalier où sa milice - une espèce de police politique surnommée les « Tontons macoutes » - faisait régner la terreur en Haïti pour conforter son pouvoir. De 1971 à 1986, cette milice politique s’était rendue coupable d’innombrables crimes contre les opposants politiques et les populations civiles : intimidations, séquestrations, viols, tortures, meurtres, arrestations arbitraires, massacres…
Une situation qui s’apparente au phénomène des « microbes » que connaît la Côte d’Ivoire. Même si le pouvoir rejette toute responsabilité, force est de reconnaître que ces voyous et criminels, qui agissent en toute impunité, constituent en réalité une milice déguisée qui a vu le jour sous le régime d'Alassane Ouattara. Et cela fait bien des lustres qu’ils terrorisent les populations notamment abidjanaises sans être inquiétés.
Pour l’opposition ivoirienne, il n’y a pas l’ombre d’un doute, l’avènement des « microbes », ces jeunes gens désœuvrés et instrumentalisés qui agressent à l’arme blanche les populations et décris par le pouvoir comme des « enfants en conflit avec la loi », sont à la solde du régime Ouattara.
« Le pouvoir les utilise et les encadre
comme des escadrons de la mort »
Selon Pascal Affi N’Guessan, le président du Front populaire ivoirien (FPI), « ce sont des gens qui n'appartenant ni à la police ni à la gendarmerie, souvent des ex-rebelles qui n'ont pas été intégrés dans l'armée. Le pouvoir les encadre et les utilise, comme des escadrons de la mort, pour de sales besognes »,
Ces « microbes » se sont illustrés dernièrement par des descentes punitives dans plusieurs localités de l’intérieur du pays proches de l’opposition. Ce fut le cas à Bongouanou, Bonoua et Dabou, où ils ont vandalisé des commerces, des résidences privées et agressé mortellement à l’arme blanche des manifestants au su et au vu des forces de sécurité. A Bongouanou, fief d'Affi N’Guessan, la résidence de ce dernier a été pillée, saccagée et incendiée par ces mêmes « microbes ». Plusieurs personnalités politiques de la ville issues des rangs de l’opposition ont vu également leurs biens pillés et incendiés. C’est le cas de l’ancienne ministre de l’Industrie et de la Promotion du secteur privé, Mme Amah Marie Tehoua, une femme politique influente du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) d’Henri Konan Bédié.
Le bilan humain et matériel des violences de ces derniers jours est lourd. L’on déplore d’ores et déjà dans ce contexte de crise pré-électorale près de 67 morts et des centaines de blessés survenus pendant la répression sauvage du mouvement de « désobéissance civile » lancé par l’opposition pour bloquer le processus électoral biaisé et empêcher le président sortant, Alassane Ouattara, de briguer un 3ème mandat jugé anticonstitutionnel. Parmi ces victimes, plusieurs d’entre elles ont été exécutées à l’arme blanche par ces fameux « microbes ».
Ces « Tontons Macoutes », qui sévissent à Abidjan et à l’intérieur du pays, ne sont pas à leurs premiers forfaits. En août dernier, les manifestations de contestation organisées par l’opposition avaient été réprimées dans le sang. Et ces mêmes « microbes » avaient été utilisés pour commettre plusieurs meurtres à l’encontre des manifestants pacifiques sans que les forces de sécurité ne les en empêchent. Plusieurs vidéos amateurs postées sur les réseaux sociaux avaient apporté des éléments de preuves tangibles de complicité entre les forces de sécurité et « les Tontons Macoutes » ivoiriens.
Plusieurs organisations de défense des droits de l’Homme dont Amnesty International, la Fédération Internationale pour les Droits Humains (FIDH), l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), qui surveillent les violations en Côte d’Ivoire comme du lait sur le feu, ont exigé que toute la lumière soit faite sur ces assassinats enfin que les responsabilités soient clairement établies. Mais quand l’on sait le nombre de crimes commis dans ce pays dont les enquêtes diligentées n’ont jamais rien révélé, il y a de quoi désespérer, voire sérieusement douter de la « bonne foi » des autorités ivoiriennes de mettre aux arrêts les auteurs et les commanditaires de ces crimes odieux.
Sans vouloir rechercher le sexe des anges, les observateurs avertis savent bien que ces « microbes » - ou du moins les « Tontons Macoutes » d’Abidjan - agissent impunément pour le compte du camp à qui profite ces crimes. Or dans le cas d’espèce, toutes les hypothèses convergent vers le régime Ouattara qui tire véritablement profit de ce climat délétère et de terreur qui règne sur toute la Côte d’Ivoire à quelques jours du scrutin présidentiel du samedi 31 octobre.
COMMENTAIRES