Ouattara le « pyromane » rallume les feux de la guerre civile !

Ouattara le « pyromane » rallume les feux de la guerre civile !

Alassane Ouattara va-t-il brûler la Côte d'Ivoire au prix d'un 3ème mandat contesté par la majorité des Ivoiriens ?


Officiellement réélu avec 94,27 des voix lors d'une « mascarade électorale », dont commence enfin à s'inquiéter la communauté internationale, Alassane Ouattara a choisi la répression et l'épreuve de force. Mais il hésite encore à faire arrêter l'ex-Président Bédié et tous les leaders de l'opposition qui ont constitué un Conseil National de Transition et ne le reconnaissent plus comme Président. Une situation explosive.

Par Bruno Fanucchi

La réélection officielle, mais « calamiteuse » d'Alassane Ouattara avec un score à la soviétique de 94,27 % plonge la Côte d'Ivoire dans une très grave période d'incertitudes et de violences. Le Président sortant a certes obtenu son « 1 Coup KO », mais son régime est en fin de règne. Le monde entier, qui n'a d'yeux cette semaine pourtant que pour les élections américaines, aura vu que la Côte d'Ivoire n'est plus un Etat de droit : le Président a ouvertement violé sa propre Constitution sans même émouvoir et scandaliser ses pairs d'Afrique de l'Ouest qui, à quelques rares exceptions près, ferment les yeux pour mieux cacher leurs propres turpitudes et leur soif de rester eux-aussi au pouvoir « ad vitam aeternam ».

Malgré plusieurs missions d'observateurs internationaux, qui ont été visiblement achetés et ont aussitôt rendu leurs copies pour dire que le scrutin du 31 octobre s'était parfaitement déroulé, les observateurs sérieux du monde entier – ou du moins ceux qui s'intéressent vraiment à la Côte d'Ivoire –  et les journalistes dignes de ce nom auront vu que cette élection présidentielle n'est ni sérieuse, ni crédible. « Le contexte politique et sécuritaire n'a pas permis d'organiser une élection crédible », ont ainsi souligné la Mission internationale conjointe d'Observation électorale (MIOE) et l'Institut électoral pour une démocratie durable en Afrique (EISA) dans un rapport étayé et argumenté.

Sur les réseaux sociaux que l'on ne peut plus arrêter, le monde entier aura vu le bourrage des urnes et les résultats fantaisistes et absurdes donnés dans chaque préfecture, où les votants étaient bien souvent plus nombreux que les inscrits !

Tout cela serait risible, s'il n'y avait déjà des dizaines de morts innocents. Car, par son entêtement suicidaire, Ouattara le « pyromane » vient de rallumer les feux de la guerre civile, dont il portera la responsabilité devant l'Histoire. On ne viole pas impunément la Constitution de son propre pays qui lui interdisait très clairement de briguer un troisième mandat et la mort tragique de son Premier ministre Amadou Gon Coulibaly ne saurait constituer – aux yeux de la loi – un cas de « force majeure », comme il l'a prétendu abusivement.

De par sa faute, le pays est donc plongé aujourd'hui dans une impasse politique. A tel point que le Président sortant, qui vient de perdre tout crédit en Afrique comme sur la scène internationale, hésite désormais à s'auto-proclamer « Président réélu » avec l'aval d'un Conseil constitutionnel qui s'est déjà complètement déshonoré le 14 septembre dernier. Encouragé par de véritables « pousse-au crime » que sont certains cadres du RHDP (Rassemblement de Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix), comme son directeur de campagne Adama Bictogo, Ouattara a choisi de passer en force et de mettre tout le monde devant le fait accompli. Mais à force de trop tirer sur la corde, elle cède...

Aveuglé par sa superbe et un entourage de courtisans qui savent pertinnement qu'ils perdent tout si ADO n'est plus au pouvoir, Ouattara s'est engagé dans une épreuve de force et une voie sans issue. Car le mot d'ordre de « désobéissance civile » lancé par l'opposition unie a été parfaitement suivi et l'on peut dire aujourd'hui que – malgré les apparences relayées par la RTI, la télévision d'Etat, et les médias officiels savemment contrôlés – qu'il n'y a pas eu vraiment d'élection samedi 31 octobre dernier. Nombre de bureaux de vote n'ont jamais ouvert et le « boycott » pacifique du scrutin a été très actif. La particpation effective serait inférieure à 10 % et donc très loin du taux officiel bricolé de 53,90 annoncé par la Commision élecorale indépendante (CEI) inféodée au régime.

Dès dimanche dernier, l'ex-Président Henri Konan Bédié a pris la tête d'un Conseil National de Transition (CNT), réussissant l'exploit de réunir autour de lui l'ensemble des personnalités et des tendances de toute l'opposition confondue (de l'ex-Président Laurent Gbabgo toujours en exil en Belgique, à Guillaume Soro, bloqué en France) et a constaté la « vacance du pouvoir ».

Après plusieurs jours d'hésitations et d'atermoiements, plusieurs chacelleries ont enfin commencé à s'inquiéter de cette situation explosive et à prendre encore bien timidement l'ampleur des risques de la crise pour la Côte d'Ivoire, bien sûr, mais aussi pour toute la sous-région de l'Afrique de l'Ouest.

Depuis lundi dernier, les envoyés spéciaux de l'ONU et les ambassadeurs des pays membres du Conseil de sécurité défilent à la résidence privée du Président Bédié, assiégée et attaquée chaque soir par le GSPR (Garde prétorienne de Ouattara) et de nombreux miliciens qui souhaitaient arrêter l'ancien chef de l'Etat, déjà pousruivi par une justice ivoirienne aux ordres pour « sédition ». Ce pouvoir ne connaît que la répression.

Plusieurs de ses proches pourtant députés ont été arrêtés, sans que ne soit bien sûr levée leur « immunité parlementaire » puisque nous sommes depuis Noël dernier dans le règne de l'arbitraire. Et certains membres de sa famille, comme plusieurs enfants et neveux – dont on demeure  sans nouvelles - ont été emmenés « manu militari » et pris « en otages ». Il n'y pas d'autre mot pour dénoncer ces méthodes d'intimidation et de terreur qui discréditent à tout jamais leur donneur d'ordre : Alassane Dramane Ouattara.

Une question se pose cependant : et maintenant, comment sortir la Côte d'Ivoire de cette dangereuse spirale avant que tout ne dégénère en guerre civie ?

« L'Appel du 18 juin » de Guillaume Soro

« Il n'y a pas eu d'élection aujourd'hui en Côte d'Ivoire. Nos compatriotes ont boudé dans leur très large majorité ce coup d'Etat constitutionnel (…) Nous ne reconnaîtrons pas ces résultats et ce Président » , prévenait dès samedi soir l'ancien Premier ministre Pasacal Affi N'Guessan, porte-parole de la plateforme de l'opposition unie, avant que son domicile ne soit dimanche assiégé et attaqué comme ceux de tous les principaux leaders de l'opposition qui furent pourtant ministres de Ouattara comme Albert Mabri Toikeusse ou Marcel Amon-Tanoh. Ou comme l'ancien ministre du Président Gbagbo et ex-président de l'Assemblée nationale, Mamadou Koulibaly, dont les candidatures ont toutes été arbitrairement rejetées le 14 septembre dernier sans aucun recours possible. Ce qui résume bien la pseudo-démocratie ivoirienne.

C'est dans ce contexte exceptionnel que – contraint de rester en France depuis près d'un an – Guillaume Soro a pris ses responsabilités et a adressé ce mercredi 4 novembre au soir un important Message à la Nation. Assumant son rôle de membre actif du Conseil National de Transition, l'ancien Premier ministre et Président de l'Assemblée nationale a lancé de l'étranger ce que l'on pourrait appeler son « Appel du 18 juin », en référence au général de Gaulle, dont on célèbre cette année en France comme en Afrique le 50ème anniversaire de sa mort, le 9 novembre 1970, et le 80ème anniversaire du Manifeste de Brazzaville, le 27 octobre 1940, qui faisait de la capitale congolaise la capitale de la France libre !

L'ancien chef de la rébellion, vers lequel tous les regards et les espoirs des Ivoiriens se tournent aujourd'hui, a parlé avec gravité et solennité. Dénonçant tout d'abord ce « péril grave et imminent sur nos vies, nos libertés, nos droits civiques et politiques, en un mot sur notre démocratie », Guillaume Soro rappelle que l'opposition unie se bat depuis plus d'un mois « avec les instruments du droit et de la mobilsation populaire contre cette félonie qui défigure notre pays ». Le cadre est ainsi fixé et son intervention se veut donc historique.

« Devant le viol flagrant de notre Constitution, le sang de nos compatriotes qui est versé chaque jour et le parjure déshonorant dont s'est rendu coupable l'ex-Président », le président de Générations et Peuples Solidaires (GPS) a décidé de prendre la parole. Il souligne ainsi que « M. Ouattara a mobilisé – hélas – pour servir sa cause de nombreux miliciens et supplétifs armés qui mènent actuellement notre pays au chaos en massacrant à l'arme blanche et même à l'arme de guerre nos compatriotes qui manifestent les mains nues ». Et ajoute : « Un programme de repérage systématique des leaders de l'opposition, en vue de leur élimination, est en cours ». L'accusation est gravissime, mais exacte.

Guillaume Soro trouve cependant les mots pour saluer la « mobilisation exemplaire qui a permis de faire échec à la pire farce électorale de l'histoire de notre Nation, organisée piteusement par M. Alassane Ouattara, engagé dans son aventure périlleuse pour s'éterniser au pouvoir » et s'auto-proclamer Président. « Nous ne l'accepterons jamais (…) Car celui qui tente maladroitement de s'imposer n'en a ni le droit ni la légitimité ». C'est pourquoi, ajoute-t-il, « l'opposition responsable constatant la vacance du pouvoir présidentiel » a décidé d'ouvrir une transition politique avec un CNT « pour assurer les charges exécutives de l'Etat et le fonctionnement régulier des organes et des institutions républicaines ».

« Installé dans le shéma mental de tous les dictateurs tropicaux, M. Alassane Ouattara a basculé dans la violence aveugle en déchaînant une répression brutale » contre les principaux leaders de la Transition, qui font tous l'objet d'un blocus de leur domicile, quand ils ont parfois échappé à des tentatives d'assassinat ou d'enlèvement. Il veut absolument « décapiter la Transition pour pouvoir éteindre toute contestation et régner dans un consens dictatorial où la paix qui prévaut est celle des cimetières ».

« Avec l'ensemble des forces vives de notre Nation, nous conduirons la Transition démocratique en vue de l'organisation d'élections libres et transparentes dans les meilleurs délais», assure-t-il en rendant hommage à toutes les victimes - qu'il dénombre à plus de 100 morts et plusieurs milliers de blessés - déjà tombées depuis deux mois dans le pays pour dénoncer la « forfaiture » de ce 3ème mandat.

« Les Ivoiriens n'accepteront pas – je vous l'assure - qu'une Cour constitutionnelle servile et complaisante adoube le complot électoral et apporte sa caution à la forfaiture en cours ». Les mots, là encore, sont extrêmement forts et lourds de signification. Pour dénoncer « la tyrannie naissante », il appelle tous les Ivoiriens à « se lever pour dire non à la dictature et faire barrage à l'ex-Président de la République, Alassane Ouattara qui veut prendre la Côte d'Ivoire tout simplement en otage ».

Dans ce but, il invite très clairement les corps constitués à « désobéir aux ordres illégaux » et à « rallier le Conseil National de Transition ». Puis il demande aux «vaillantes forces de défense et de sécurité d'agir pour stopper les tueries, d'agir pour préserver notre pays de pogroms intercommunautaires, d'agir pour rétablir la paix et la concorde, d'agir pour redonner à notre Constitution ses lettres de noblesse ». Rappelant haut et fort que « M. Ouattara n'est plus le Président de Côte d'Ivoire, cela est indéniable », il invite ouvertement l'armée dans l'honneur et la dignité à « mettre un terme au spectre de la guerre civile qui menace tous les jours » la Côte d'Ivoire. Avant de conclure en lançant à tous ses compatriotes : « Entre l'oppresseur et le peuple opprimé, il nous faut choisir et ce choix, c'est maintenant ».

Ce 4 novembre 2020, un homme vient de se dresser et son message de 12 minutes a porté. Sera-t-il entendu comme l'Appel du 18 juin ? Il est encore trop tôt pour le savoir... A Abidjan, certains disent déjà : « Ouattara, il nous l'a installé au pouvoir en 2010, qu'il nous en débarrasse aujourd'hui ! »

Bruno Fanucchi

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