La saga africaine d'Azalaï


MOSSADECK BALLY

Fondateur de la chaîne hôtelière Azalaï

Il y a une vingtaine d'années, Mossadeck Bally se lance dans l'industrie hôtelière et le tourisme d'affaires. PDG de la chaîne Azalaï, ce Malien influent est aujourd'hui à la tête d'une dizaine d'établissements qui conservent tous une touche particulière. A l'image du Grand Hôtel de Bamako. Mythique !

De notre envoyé spécial à Bamako, Bruno Fanucchi

C'est la belle aventure d'un homme... et désormais d'une chaîne hotelière qui a vu le jour à Bamako. Une véritable saga partie en réalité de Tombouctou, où le jeune Mossadeck Bally en vacances familiales chaque année voit passer les « caravanes » de chameaux. Azalaï (caravane en touareg) deviendra le nom de cette chaîne qui vante l'accueil de l'Afrique autrement.

Aujourd'hui PDG d'Azalaï, le petit Mossadeck est le quatrième d'une grande fratrie puisqu'ils sont 14 frères et sœurs (8 garçons et 6 filles). Après de sérieuses études en France et aux Etats-Unis, il rentre au Mali et se lance – comme plusieurs de ses frères – dans la société familiale de négoce alimentaire qui exporte riz, sucre et thé. « Le négoce, c'est dans nos gênes. Mon père a d'ailleurs commencé dans les mines de sel de Taoudeni (à l'extrême nord) puis s'est installé à Niamey (au Niger), où je suis né, car les affaires privées étaient interdites au Mali sous le régime communiste... »

« J'ai grandi dans cet environnement où entreprendre était naturel puis j'ai voulu m'investir dans des activités créant plus de valeur ajoutée pour participer au développement de mon pays », confie-t-il.

« Fin 1993, j'ai donc créé ma société juste après la dévaluation du franc CFA. J'ai soumissionné à un appel d'offres et j'ai gagné pour racheter le Grand Hôtel de Bamako, le plus vieil hôtel de la capitale malienne construit par les Français et où le général de Gaulle avait logé. Un hôtel mythique ! ».

« Nous l'avons rénové puis rouvert en février 1995. L'aventure était lancée et cela a très bien marché... D'où l'ouverture d'un deuxième hôtel, le Salam, en janvier 2000. Puis dans le cadre de la CAN (Coupe d'Afrique des Nations) de 2002 au Mali, nous avons ouvert le Nord-Sud. C'était l'embryon d'une chaîne à laquelle nous allons bientôt donner un nom : Azalaï. La « caravane » de mon enfance où je voyais passer à Tombouctou – alors en vacances chez mes grands-parents - des centaines de chameaux transportant le sel à travers les sables du désert... ».

Un nom et une identité ! Un logo constitué de dunes de sable renversées et collées et un slogan : « L'Afrique vous accueille » dans des hôtels à visage humain, à l'ambiance africaine, mais aux standards internationaux en termes de sécurité et de confort. C'est le secret de la réussite : l'aventure va peu à peu se transformer en « Success Story » puisque M. Bally compte désormais près d'une dizaine d'établissements (soit un millier de chambres) et 800 collaborateurs. Et chaque hôtel a son charme et dégage une atmosphère particulière qui séduit la clientèle. Avec par exemple de superbes expositions de photos noir et blanc lors de la Biennale de Bamako.

Cette « touche africaine » fait la différence avec les chaînes internationales, dont les hôtels sont parfois exactement les mêmes à New York, Bangkok ou Vienne.

Au Mali même, après avoir ouvert quatre hôtels à Bamako (dont un est entièrement réquisitionné et occupé par les forces de la MINUSMA), nous avions plusieurs projets pour répondre à la demande de villes comme Tombouctou ou Mopti, mais ces projets ont été mis en veilleuse pour des questions des sécurité après les événements de 2012/2013 ». Ce n'est sans doute que partie remise et, en attendant, priorité est donnée à l'expansion du groupe à l'international.

En bon manager, le patron d'Azalaï cherche toujours à avancer, à innover et parfois à rénover... par la force des choses, comme à Ouagadougou. Dans la capitale du Burkina Faso, l'hôtel de l'Indépendance, qui avait été réquisitionné pour les députés lors de la révision annoncée de la Constitution, fut dévasté par le « soulèvement populaire » ayant entraîné la chute du président Blaise Compaoré le 31 octobre 2014. « Nous avons pour dix-huit mois de travaux ».

« Nous avons ouvert à Bissau (Guinée-Bissau) l'hôtel du 24 septembre en 2010 et à Cotonou (Bénin) l'Hôtel de la Plage en 2012, puis récemment à Nouakchott (Mauritanie) en mars 2016 et à Abidjan (Côte d'Ivoire) en février 2017, il y a un an», poursuit-il. De nouvelles ouvertures sont programmées d'ici fin 2019 à Conakry (Guinée), Dakar (Sénégal) et Niamey (Niger). « Nous sommes aussi en prospection à Lomé (Togo), Accra (Ghana) et Lagos (Nigeria), mais il faut toujours être patient et savoir attendre la bonne opportunité... surtout en Afrique, continent du temps long ».

Un beau parcours qui le rend philosophe. « Fort de la valeur travail, ancrée dans nos villages et qui a bercé ma jeunesse, je ne regrette pas mon choix de m'être lancé en 1994 dans l'industrie hôtellière et le tourisme d'affaires ».

A l'image de sa chaîne qui prospère, Mossadeck Bally est un homme heureux qui réside à la Cité du Niger, un quartier huppé. Marié à Maïmouna, dont il a quatre enfants, c'est une personnalité qui compte à Bamako, où il occupe de surcroît depuis 2010 les fonctions de Consul de Monaco. « Lors de sa visite d'Etat en février 2012, se souvient-il, le Prince Albert (que je représente ici) est même venu dîner à la maison – c'était une idée de mon épouse - pour y rencontrer la société civile. Ce fut une très belle soirée ».