La future crise socio-économique mondiale liée au COVID-19

La future crise socio-économique mondiale liée au COVID-19

Thierry Rayer, président du Cercle et Paul-Loup Sulitzer, économiste et homme d'affaires


Dans une tribune libre co-signée par Thierry Rayer, président du Cercle d’études Scientifiques, et Paul-Loup Sulitzer, économiste et homme d’affaires, les deux experts donnent leur opinion sur les conséquences sociales et économiques de la crise sanitaire du COVID-19 sur l’économie mondiale, un sujet qui fait débat et donne du fil à retordre aux économistes les plus avertis. 

Par Thierry Rayer et Paul-Loup Sulitzer

Dans le monde fortement mondialisé d'aujourd'hui, les pandémies sont l'un des plus grands risques mon- diaux. Ils peuvent entraîner une morbidité et une mortalité élevées ainsi que des conséquences socio- économiques négatives déclarent deux spécialistes dans leur domaine et amis de vingt années, Thierry Rayer président du Cercle d’études Scientifiques* et Paul-Loup Sulitzer, homme d’affaire et auteur d'ou- vrages financiers aux titres évocateurs, comme Money ou Cash, qui a écoulé plus de 70 millions d'exem- plaires de livres à travers le monde. Aujourd'hui, le monde se bat contre la maladie du coronavirus  (COVID-19) causée par le virus SARS-CoV-2, qui a été qualifié de pandémie par l’Organisation Mondiale de la Santé. « Ce virus suscite de sérieuses inquiétudes quant aux conséquences qu’il aura sur l'économie mondiale » insiste celui qui a conseillé l’économiste Raymond Barre. Certaines analyses affirment d’ailleurs que le coronavirus déclenchera la récession mondiale de longue durée ; d'autres soutiennent que le nouveau virus prendra fin assez rapidement et que l'économie mondiale reprendra son cours nor- mal. Où est la vérité selon Thierry Rayer et Paul-Loup Sulitzer ?

Economie et pandémie

D’une manière générale, une pandémie affecte l’économie de deux manières. Premièrement, on note une baisse de la consommation et les gens tombent malades ou essaient d’éviter la maladie. La décision de mise en quarantaine et de rester à la maison au lieu de voyager de se divertir ou de consommer dans les centres commerciaux ont pour conséquence que, les industries du tourisme, des transports et du divertis- sement sont rapidement paralysées. Le meilleur exemple de l’effet de la demande est la baisse de la de- mande de pétrole (baisse de la demande de l’industrie des transports) et donc une baisse de son prix.

Une pandémie crée également un choc d’approvisionnement. Elle réduit principalement l’offre de main- d’œuvre. Dans la plupart des cas, elle est temporaire car certains employés sont malades ou restent en quarantaine. Lorsque le taux de production baisse mais que les frais généraux et les salaires doivent être payés, les difficultés apparaissent et le risque de faillite augmente.

Selon la Banque mondiale, les coûts d’une pandémie peuvent être divisés en trois catégories principales : environ 12% du coût total provient de la mortalité, 28% de la longue absence de personnel et jusqu’à 60% des changements de comportement liés au fait que les gens essaient d’éviter le danger. Cela signifie que le coronavirus n’a pas besoin d’être mortel ou d’avoir un taux de mortalité aussi élevé qu’Ebola pour être coûteux.

De plus, lors d'une pandémie, tous les secteurs économiques sont perturbés, ce qui peut entraîner une pénurie de biens et une augmentation des prix. Une activité économique réduite génère également des revenus fiscaux inférieurs. Provoquant conjointement une hausse des dépenses publiques, il en résulte un déficit budgétaire et une dette publique plus importante. De nombreux gouvernements sont déjà suren- dettés.

Les conséquences économiques

du Coronavirus 

Il n'est pas aisé de quantifier les conséquences économiques du covid-19, car il ne s’agit pas d’un fait ré- pété de l’Histoire. La Banque mondiale estime que la pandémie pourrait faire baisser le PIB mondial de 4,8% dans le pire des cas (pandémie similaire à la grippe espagnole), 3,1% dans un scénario modéré (pan- démie similaire à la grippe en 1958) et 0,7% en un scénario de cas bénin (pandémie similaire à la grippe en 1968). Initialement, les médias ont comparé COVID-19 au SRAS, ce qui était compréhensible compte tenu du type de virus et de sa localisation. Cette pandémie a ralenti la croissance du PIB réel de la Chine de 10,5% au premier trimestre de 2003 à 8,9% au deuxième trimestre de 2003, mais elle a rebondi au tri- mestre suivant. En raison du faible impact du SRAS sur le PIB de la Chine, les investisseurs ont longtemps sous-estimé le coronavirus. C'était une erreur. L'impact économique de COVID-19 sera considérablement plus important. En effet, la Chine a pris une place considérable dans l'économie mondiale. En 2003, la Chine ne représentait qu'environ 8,3% de l'économie mondiale, alors qu'elle est aujourd'hui de 19,3%. De plus, la Chine est plus étroitement liée au reste du monde et a établi une position ferme dans la chaîne d'approvisionnement ; ce qui peut avoir des répercussions majeures pour les entreprises internationales. On notera la panique à Wall Street en février dernier.

La pandémie actuelle a une portée beaucoup plus large. Dans le cas du SRAS, il y avait 8096 cas d'infection dans 37 pays mais aujourd'hui, il y en a déjà près de 5 250 000 dans 163 pays (données du 22 mai 2020). Cela signifie que les perspectives d'avenir ne sont pas brillantes. Contrairement aux pandémies précéden- tes, qui ont principalement touché les pays sous-développés (comme Ebola), cette fois c'est différent. Le plus grand nombre d'infections a été enregistré en Chine, en Italie, en Iran, en Corée du Sud, en France, en Espagne, aux États-Unis, c'est-à-dire à l'exception de l'Iran, les économies les plus solides du monde. Ensemble, ces pays constituent 45,5% de l'économie mondiale selon la parité de pouvoir d'achat (54,5% selon le PIB nominal). Cela signifie que le monde va très probablement faire face à une récession sans précédent. Les Etats-Unis à eux seuls ont annoncé qu’il y avait eu 39 millions de personnes licenciées, soit le double de ce qui s’est produit en 1929. L’ampleur de cette crise nécessite un plan Marshall mondial, car celle-ci va bouleverser l’économie mondiale post covid pendant de nombreuses années.

Les implications sociales 

Les pandémies peuvent également avoir des conséquences sociales. Le premier effet négatif potentiel est sur la croissance du pays. Le deuxième risque est l'intensification des tendances protectrices voire xénophobes, telles que la limita- tion des flux de marchandises et de personnes à travers les pays. Néanmoins, il vaut la peine d'examiner la pandémie d'un point de vue un peu plus optimiste. D'une certaine manière, les coûts engagés par les gouvernements pouvant parfois paraitre comme étant astronomiques pour nos concitoyens pour lutter contre le coronavirus révèlent la richesse du monde et la préciosité de la vie humaine au cours des der- nières décennies. Grâce à la croissance économique, les sociétés ont suffisamment de ressources pour mettre en œuvre des mesures préventives telles que le confinement de régions entières. Il y a plusieurs dizaines d'années, personne ne songerait à prendre des mesures aussi radicales en réponse à une pan- démie avec un taux de mortalité modéré. Les citoyens devaient aller travailler et ce, malgré le risque. En outre, il y a un espoir pour que la pandémie ait des effets positifs à long terme sur le fonctionnement de nos sociétés.

Premièrement, elle démontre l’importance de l'hygiène indispensable pour préserver la santé publique. Deuxièmement, la pandémie montre explicitement la lourdeur de nos administrations et plus particuliè- rement ceux des services de santé dans de nombreux pays.

Troisièmement, la fermeture des écoles donne matière à réflexion sur l’enseignement obligatoire dans le monde d’aujourd’hui. La plus importante difficulté liée à la fermeture des écoles n'est pas la transmission du savoir mais plutôt le fait que les parents devront s'occuper des enfants. A tel point qu’il était pertinent de se demander si la réouverture était liée au besoin de suivi pédagogique des élèves ou au fait de libérer les parents pour qu’ils puissent reprendre le travail normalement et payer leurs impôts ; probablement les deux.

Quatrièmement, lorsque la période durant laquelle le gouvernement et les écoles encouragent l'appren- tissage en ligne sera terminée, les politiciens ouvriront les yeux et comprendront enfin que, dans l'éco- nomie moderne, Il est possible de travailler et d'apprendre à distance. Espérons que cette observation conduira à plus de flexibilité sur le marché, à rendre accessible pour toutes les familles internet et les ou- tils numériques nécessaires au développement de formes d'apprentissage à distance.

Cinquièmement, la pandémie prouve l'importance des économies à la fois privées et publiques.

Sixièmement, il sera évident pour les personnes et les entreprises qu'il existe un besoin de diversification des sources de revenus et d'approvisionnement. Dans de nombreux cas, les entreprises comptent sur un seul sous-traitant, il est chinois !

Avec la pandémie de coronavirus, il est probable que nous connaissions une récession mondiale de grande ampleur. Cette récession aura lieu au cours du second trimestre de l’année 2020. Bien sûr, après la pandémie, l'économie va rebondir mais les chances qu'elle prenne la forme d'un V diminuent. La po- litique monétaire n'aidera pas. Il existe des initiatives nécessaires qui influent sur l'offre, telles que la suppression des taxes imposées par les États-Unis et la Chine, ou une libéralisation accrue des échanges afin de neutraliser toute perturbation du commerce international. L'annulation de la taxe ou, au moins, l'ajournement des délais de paiement des impôts aurait une incidence positive sur la situation financiè- re des entreprises pendant la pandémie. Cette crise n’ayant aucun précédent et la mise en veilleuse de l’économie mondiale aura des conséquences dont on ne peut prévoir les limites.

Par ailleurs, la nécessité de trouver un vaccin et un traitement est urgente, à défaut, il sera nécessaire de repenser notre mode de vie et habitudes de consommation, car d’autres chocs se profilent, comme le réchauffement climatique. Le monde d’après est à reconstruire !

Il appartient aux dirigeants du monde de faire prendre conscience aux citoyens de la réalité car le choc aux Etats-Unis, en Russie comme au Brésil ne fait malheureusement que commencer.

*Le Cercle d’Études Scientifiques Rayer en collaboration avec certaines délégations de l’UNESCO représen- tées par leurs ambassadeurs a pour objectif par le lancement du projet « Universae » de favoriser le dia- logue interculturel par l’éducation, les sciences, la culture, la communication et l’information. Un projet qui a tout son sens dans cette période de crise future socio-économique.

Thierry Rayer et Paul-Loup Sulitzer

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