La transition malgache : simple parenthèse ou véritable renaissance ?

La transition malgache : simple parenthèse ou véritable renaissance ?

Le colonel Michael Randrianirina, chef du contingent militaire du Capsat, le nouvel homme fort de Madagascar


L'actualité malgache vient de connaître un nouveau soubresaut. Le colonel Michael Randrianirina, chef du contingent militaire du Capsat, a été investi président de la « Refondation de la République de Madagascar », au lendemain de la destitution d'Andry Rajoelina par l'Assemblée nationale. 

Si les autorités de transition se défendent de toute idée de putsch, la communauté internationale, de l'Union africaine à l'ancienne puissance coloniale française, observe avec une inquiétude teintée de familiarité cette nouvelle page d'instabilité.

La chute de Rajoelina : de la colère populaire à la rupture institutionnelle

Le point de basculement trouve sa source dans un mouvement de protestation inédit, né fin septembre. Exaspérée par des coupures d'eau et d'électricité répétitives dans un pays pourtant riche en potentialités, une partie de la jeunesse, se réclamant de la « Gen Z », est descendue dans la rue. Très vite, la révolte contre la précarité des services publics a viré à une fronde politique ciblant directement le président Andry Rajoelina, réélu en 2018 et candidat à sa succession.

La situation, déjà tendue par les révélations sur une éventuelle naturalisation française du président, a atteint un point de non-retour lorsque l'armée a rejoint la contestation. Après des semaines de mobilisation et un lourd bilan humain – au moins 22 morts selon l'ONU –, l'Assemblée nationale a acté, mardi 14 octobre, la destitution du chef de l'État. En réaction, les militaires ont annoncé la suspension de la Constitution et porté le colonel Randrianirina au pouvoir.

« Ce n’était pas un coup d’État, c’était une prise de responsabilité parce que le pays était tombé au bord du gouffre », a plaidé le nouveau chef de l’État sur les ondes de la télévision nationale. Face aux caméras, il a tenté de rassurer en promettant des élections « d’ici 18 à 24 mois » et l'installation rapide d’un « Premier ministre de consensus » qui formera un gouvernement composé de civilsC’est en substance la promesse faite par le nouvel homme fort de la Grande Île. 

Un nouveau leader aux contours contrastés

La figure du colonel Michael Randrianirina n'est pas neutre dans le paysage politique malgache. Critique virulent de longue date du pouvoir Rajoelina, il avait été emprisonné plusieurs mois à partir de novembre 2023 pour « incitation à la mutinerie en vue d’un coup d’État ». Son accession à la présidence de transition, après avoir été un prisonnier politique, dessine un parcours pour le moins contrasté et interroge sur la nature réelle de cette transition. A savoir, révolution, correction autoritaire ou simple recomposition des élites au pouvoir ?

Les leçons d'une histoire tourmentée

Pour comprendre la récurrence de ces crises, un retour en arrière est nécessaire. L'histoire politique de la Grande Île, depuis son indépendance en 1960, est une succession de cycles de contestation et de renversements.

En 1972, le premier président, Philibert Tsiranana, jugé trop proche de la France, est contraint de céder le pouvoir à l'armée après une révolte estudiantine. Son successeur, Didier Ratsiraka, au pouvoir de 1975 à 1991, puis de 1996 à 2002, est lui aussi chassé par la rue à deux reprises. La présidentielle de 2001, opposant Ratsiraka au millionnaire Marc Ravalomanana, plonge le pays dans des mois de violences avant que ce dernier ne soit finalement proclamé vainqueur. En 2009, c'est Andry Rajoelina lui-même, alors maire d'Antananarivo, qui avait forcé le départ de Ravalomanana grâce à un mouvement soutenu par l'armée.

Ce nouveau coup de force s'inscrit donc dans une trajectoire historique où l'armée et la rue font souvent office d'arbitres ultimes des conflits politiques, rappelant la sanglante insurrection nationaliste de 1947, réprimée par le régime colonial français.

La réaction de la communauté internationale : entre rejet et attente

Face à cette nouvelle secousse, la réaction internationale a été immédiate et sans appel de la part de l'Union africaine, qui a suspendu Madagascar de ses instances. Un geste fort qui isole diplomatiquement la transition et rappelle l'attachement continental, au moins formel, à l'ordre constitutionnel.

La France, partenaire historique dont l'ombre plane toujours sur les affaires malgaches, a, de son côté, appelé à « préserver la démocratie et l’État de droit ». Un langage mesuré qui contraste avec les pratiques d'un passé pas si lointain, mais qui reflète une attente vigilante. La France qui dit ne pas s’immiscer dans la crise malgache n’a pas pu s’empêcher d’exfiltrer le président malgache déchu, Andry Rajoelina, par un avion militaire français le 12 octobre 2025 sur ordre du président français Emmanuel Macron. 

  Quel avenir pour la Grande Île ?

Aujourd'hui, Madagascar se retrouve à une croisée de chemins familière. Les promesses de la transition – élections, Premier ministre de consensus – sont-elles les prémisses d'un renouveau démocratique ou simplement le script habituel des régimes de facto cherchant une légitimité ? La colère de la « Gen Z », qui a initié ce mouvement, sera-t-elle entendue ou confisquée ?

Alors que le colonel Randrianirina entame son mandat de transition, une question demeure : Madagascar parviendra-t-elle à briser le cycle infernal qui, depuis des décennies, voit ses espoirs de développement s'effacer devant les urgences de la crise politique ? L'avenir de 28 millions de Malgaches en dépend.

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