Mme Sidonie Flore Ouwé, Présidente du Salon de la Femme : "Que les femmes du Gabon connaissent mieux leurs droits pour une autonomisation normée "

Mme Sidonie Flore Ouwé, Présidente du Salon de la Femme :

Mme Sidonie Flore Ouwé, Présidente du Salon de la Femme (Photo : @Benjamin Reverdit)


Grande première à Libreville, où s'ouvre lundi prochain 8 juillet le Sommet International des Femmes Leaders d'Afrique et d'Ailleurs, Inspirantes (SIFLAAI). Une femme d'exception est à l'origine de ce projet ambitieux et original. Interview.

Propos recueillis à Libreville par Bruno FANUCCHI

Ancien Procureur de la République, Mme Sidonie Flore Ouwé est aujourd'hui Présidente du « Salon de la Femme », une plateforme associative très active au Gabon pour la vulgarisation des lois visant  à mieux faire connaître aux personnes vulnérables (à commencer par les femmes) leurs droits et obligations et à accompagner leur autonomisation.

En partenariat avec le Ministère de la Culture et des Sports, chargé de la Jeunesse et de la Vie associative, elle organise du 8 au 14 juillet prochain à Libreville le premier Sommet International des Femmes Leaders d'Afrique et d'Ailleurs, Inspirantes (SIFLAAI), où seront présentes un certain nombre de personnalités.

Qu'est-ce que le Salon de la Femme ?

Mme Sidonie Flore Ouwé : Créé en février 2017, le Salon de la Femme est une plateforme regroupant plusieurs associations féminines ayant en commun la volonté de lutter contre toutes les formes de pauvreté et de discriminations exercées à l'égard des personnes vulnérables, en tête desquelles les femmes, auxquelles nous voulons venir concrètement en aide. Une des principales carences, dont elles sont victimes, c'est leur méconnaissance, voire leur ignorance des lois et donc de leurs droits.

Comme je suis juriste et magistrate, nous nous efforçons de vulgariser les textes de loi et d'assurer leur accompagnement (par des séminaires, ateliers ou séances de formation) pour rendre ces femmes véritablement autonomes, d'un point de vue juridique et financier notamment. Et qu'elles puissent ainsi mieux se défendre face aux administrations. Depuis plusieurs mois, nous donnons des séances de consultations juridiques gratuites pour répondre et dénouer bien des cas concrets. Ces consultations ont beaucoup de succès car elles répondent à une grande attente des femmes issues aussi bien du milieu rural qu'urbain.

« Notre ambition est d'apporter

une plus-value en mettant

l'accent sur l'exemplarité »

Quel est le principal objectif de ce premier Sommet international des Femmes leaders que vous organisez à Libreville ?

Le Sommet international des Femmes leaders d'Afrique et d'Ailleurs, Inspirantes (SIFLAAI), qui se déroulera du 8 au 14 juillet prochain, aura pour thème : « Le renouveau pragmatique de l'autonomisation de la femme par l'exemple ». Lors de nombreux forums en Afrique noire comme au Maghreb, auxquels j'ai jusqu'à présent participé comme invitée et panéliste - que ce soit à Abidjan (Côte d'Ivoire), à Lomé (Togo) ou à Tanger (Maroc) – je me suis rendue compte que ces réunions manquaient souvent de concret en ce qui concerne l'automisation réelle des femmes en Afrique. C'est pourquoi nous voulons, à Libreville, être beaucoup plus pragmatiques en donnant aux femmes qui participeront à ce Sommet de bons exemples et de bonnes pratiques à découvrir et partager. Et pourquoi pas des transferts de technologies, dans le numérique par exemple, si cela s'avère nécessaire. Notre ambition est d'apporter une plus-value en mettant l'accent sur la notion fondamentale d'exemplarité, qui est indispensable au « leadership » des femmes et à tout apprentissage.

Quelles sont les personnalités que vous y avez conviées ?

Nous avons invité de nombreuses personnalités et femmes d'influence de premier plan, Gabonaises ou étrangères, des autorités bien sûr, mais aussi des membres de la société civile pour nous faire partager leurs expériences. Avec toujours en tête le souci de donner de beaux exemples à suivre à de nombreuses femmes africaines qui ne demandent qu'à prendre leurs destins en mains. Nous aurons en ouverture une séance de haut niveau avec la participation de femmes qui ont vraiment des choses à dire comme Mme Madeleine Berre qui, après avoir brillé à la tête du Patronat gabonais, est aujourd'hui ministre de la Fonction publique, de l'Innovation, du Service public et du Travail, Mme Danielle Biwaou, Directrice générale de la Chambre de Commerce et d'Industrie. Avec le Directeur général de l'Agence de Promotion des Investissements, elle feront publiquement le point sur « les opportunités et le climat des affaires » au Gabon.

D'autres feront part de leur combat et de leurs expériences, dont bien des femmes peuvent aujourd'hui s'inspirer, comme Me Henda Ben Rejab, avocate d'affaires près la Cours de Cassation de Tunisie, ou Mme Christine Jouan Bruneau, maire-adjointe de Boulogne-Billancourt (France) et présidente de l'association « Femmes de demain » qui a des antennes et ramifications en Afrique.

« Le SIFLAAI doit participer

à l'émergence et à la promotion

de véritables femmes leaders en Afrique »

D'autres femmes viendront témoigner de leurs « Succes story »...

En effet et nous nous en réjouissons car ces femmes constituent là encore de bons exemples à suivre. Il suffit d'écouter leur histoire pour s'en convaincre. C'est le cas de l'Ivoirienne Djelika Yéo qui lancé il y a quelques années à Abidjan la plateforme des « Femmes entreprenantes et dynamiques » et une émission éponyme sur la RTI 1 avec pour devise un slogan  qui a fait florès : « Partir de rien pour devenir quelqu'un ». Tout un programme ! Ou comme la Camerounaise, femme de médias, Mme Marthe Dinaly, épouse Dikongo, devenue PDG de la Radio et de la Télévision du Monde qui émettent à partir de Douala. C'est le cas aussi de Mme Marie Julie Nze Ndzime, une industrielle gabonaise qui fait dans l'imprimerie et dont l'histoire  suscite bien des envies. Voilà des exemples de réussite à imiter si possible.

Mais vous avez également choisi d'aborder des thèmatiques concrètes qui ne sont pas les plus faciles, comme la question des grossesses non désirées car c'est un vrai problème dans de nombreux pays d'Afrique. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Comment venir en aide à ces nombreuses jeunes filles dont l'intention première n'était pas de faire un enfant et qui se retrouvent confrontées à des grossesses non désirées ou non contrôlées ? C'est sujet délicat sur lequel se pencheront des personnalités de renom comme la magistrate Linda Bongo Odimba ou l'ancienne ministre de la Promotion de la Femme, et aujourd'hui député à l'Assemblée nationale du Gabon, dame Angélique Goma. Un sujet de santé publique sur lequel nous devons tenter d'appporter des solutions pragmatiques qui tiennent compte des situations de détresse.

Au final, qu'attendez-vous concrètement de ce Sommet ?

Nous espérons que ce Sommet renforcera le potentiel des femmes africaine dans tous les secteurs de la vie quotidienne et de la vie économique au Gabon et dans tous les pays qui y participeront, que ce soit aussi bien l'artisanat, l'agriculture, la pêche, l'industrie agro-alimentaire ou les affaires. Nous souhaitons également que le SIFLAAI participe à l'émergence et à la promotion de véritables femmes leaders, à la ville comme à la campagne, dans tous ces domaines de compétence. Ce Sommet, qui pourrait se tenir dorénavent tous les ans ou tous les deux ans, aura aussi pour objectif la création de partenariats Sud/Sud dans tous les domaines et la manifestation d'une réelle solidarité entre femmes africaines. In fine, la grande attente du SIFLAAI est celle de contextualiser et de culturaliser la notion de l'autonomisation de la femme africaine.

Vous venez d'effectuer une grande tournée pour aller à la rencontre des femmes à l'intérieur du pays...

Nous avons en effet commencé par une étape à Franceville, puis nous avons parcouru bien d'autres régions du Gabon profond pour, dans un premier temps, inviter les femmes et les hommes en état de vulérabilité à s'approprier leur citoyenneté et à s'organiser conformément à la norme. Puis nous les avons mobilisés en amont du SIFLAAI de Libreville.

Nous sommes à leur écoute et nous nous efforçons de lutter contre cet esprit d'assistanat dont elles se font victimes, par dessus tout. Celles qui ne cherchent pas à se prendre en charge, nous les invitons à se bouger, pour bien leur faire prendre conscience que le statut d'assistée permanente qu'elles s'offrent finit par épuiser l'assistant. Que – sans elles - rien ne changera au Gabon, où les pesanteurs traditionnelles et culturelles restent très importantes sur des sujets aussi sensibles que le mariage, la polygamie - qui est chez nous reconnue et légale - les successions, etc. Je suis une femme de loi et je veux que mes sœurs - les Mamans du Gabon - connaissent mieux leurs droits pour leur autonomisation en phase avec les textes, le Gabon étant un Etat de droit.

Pour en savoir plus sur le SIFLAAI : www.facebook.com/le-salon-de-la-femme

Ou infoline : (+241) 07 53 29 63

Bruno Fanucchi

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