Salon international de l'agriculture de Paris : La Côte d’Ivoire s’engage pour un « cacao durable » de qualité
Kobenan Kouassi Adjoumani, ministre ivoirien de l’Agriculture et du Développement rural
Leader mondial du cacao, la Côte d’Ivoire veut produire un cacao « propre » pour répondre aux nouvelles exigences du marché international. Rencontres avec la délégation ivoirienne du Conseil café-cacao au SIA 2020.
Par Clément Yao
Le Salon international de l’agriculture (SIA 2020) de Paris est une belle opportunité pour la Côte d’Ivoire, une grande habituée de ce rendez-vous mondial, de montrer son savoir-faire en matière agricole et d’exposer sur son stand (dominant au Hall 5 du Parc d’exposition de la Porte de Versailles) ses principaux produits de base, dont le cacao reste le fleuron de ses productions.
Lors de la campagne 2018-2019, le leader mondial de l’« or noir » avait proposé sur le marché près de 2,2 millions de tonnes de fèves de cacao contre 1,8 million de tonnes en moyenne sur la période 2012-2018, soit 40 % de la production mondiale. Une nette progression qui présage de l’ambition de la Côte d’Ivoire de ne pas se laisser disputer la première place par son voisin ghanéen, deuxième producteur mondial, en embuscade, largement distancé avec ses 900 000 tonnes.
Le pays exporte en moyenne par an un volume de 1,758 millions de tonnes, soit 70 % de sa production. Seule 30 % (530 000 tonnes) de cette quantité est transformée localement en divers produits finis ou semi-finis (masse, beurre, tourteau, poudre, chocolat). L’objectif étant d’atteindre 50 % de transformation cette année. Quant aux recettes, elles représentent 10 % du PIB (le tiers des exportations) et participent à hauteur de 10 % au budget de l’Etat.
La cacaoculture fait vivre un peu plus de six millions de personnes sur une population de 25 millions d’habitants. Sur la période 2012-2018 par exemple, le revenu moyen annuel perçu par les producteurs s’élevait à 1 476 milliards de francs CFA, soit environ 2,3 milliards d’euros. Des chiffres qui illustrent bien que le cacao est un enjeu de taille pour la Côte d’Ivoire.
Un marché tourné
vers un cacao « propre »
Face à l’exigence du marché, aujourd’hui, il ne suffit plus de produire du cacao en quantité et de bonne qualité pour mieux vendre. Mais bien plus. Outre la qualité, le cacao doit être certifié 100 % durable c’est-à-dire respectant un certain nombre de critères environnementaux.
Des ONG comme la Fondation international Cocoa Initiative (ICI) sont à l’origine de cette directive du cacao « propre ». Pendant de nombreuses années, ces Organisations non gouvernementales se sont employées aux côtés des lobbys de ce secteur à dénoncer l’exploitation des enfants dans les plantations, la déforestation liée à la production et l’utilisation de produits chimiques. A telle enseigne que lors de la COP 23, tenue en 2017 à Bonn en Allemagne, les leaders de ce secteur (Industriels du cacao et pays producteurs) se sont engagés collectivement à signer des plans d’actions pour « la culture par l’agroforesterie, le renouvellement des plantations déjà existantes, l'amélioration de la formation des planteurs et la lutte contre le travail des enfants. »
Bien que représentant les 60 % de la production mondiale, la Côte d’Ivoire et le Ghana, ne peuvent dicter les règles sur le marché mondial. Preuve en est, en juillet 2019, les deux leaders de l’« or noir » avaient décidé de suspendre leurs ventes pour les récoltes 2020-2021 afin d’imposer aux acheteurs un minimum de 2 600 dollars la tonne. L’initiative avait échoué avant même de commencer. Les industriels avaient eu le dernier mot. Un pari risqué, mais la volonté en valait la peine pour emboîter le pas aux pays membres de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) visant à négocier avec les sociétés pétrolières tout ce qui touche la production de pétrole, son prix et les futurs droits de concession.
Garantir la traçabilité
de la fève jusqu’au chocolat
Ainsi pour rester le leader mondial de cet « or noir » prisé par les industriels, la Côte d’Ivoire a mis en place de nouvelles méthodes plus respectueuses de l’environnement et un dispositif de traçabilité. Face à la déforestation galopante liée à la cacaoculture – de 16 millions d’hectares de forêt en 1960, la Côte d’Ivoire dispose aujourd’hui de 2,5 millions d’hectares – la réponse apportée est l’agroforesterie, c’est-à-dire la restauration des forêts et la biodiversité. L'association arbres et agricultures par exemple, a prouvé son efficacité dans le domaine de la protection des sols.
Autre acte important, les deux géants du cacao, la Côte d’Ivoire et le Ghana, ont aussi décidé de se conformer à la norme internationale ISO 34101 sur le « cacao durable et traçable » avant son application. Cette norme jugée drastique porte sur les exigences relatives aux systèmes de gestion de la durabilité, les exigences de performance relatives aux aspects économiques, sociaux et environnementaux, les exigences relatives à la traçabilité et aux systèmes de certification.
Selon Mme Mariam Coulibaly, responsable de la communication du Conseil café-cacao, l’organe étatique ivoirien en charge de la filière, « la Côte d’Ivoire a gagné la bataille de la qualité physique et chimique du cacao, maintenant, elle doit gagner la bataille de la qualité éthique. » En effet, le process mis en place va permettre de recenser tous les producteurs et leurs vergers d’ici fin septembre 2020, de géolocaliser la plantation de chaque paysan, de savoir la quantité produite et à qui elle est vendue, afin d’avoir la traçabilité de chaque fève. Désormais, à partir d’un simple code barre, on doit pouvoir savoir la provenance de la fève et dans quelle condition elle a été produite. Ce process permettra, bien évidemment, de promouvoir une culture durable du cacao, de garantir la traçabilité du cacao depuis la fève jusqu’au chocolat, et la maîtrise de la chaîne de production du planteur au consommateur.
Deux membres du gouvernement ivoirien, le ministre de l’Agriculture et du Développement rural, Kobenan Kouassi Adjoumani, et son homologue des Ressources animales et Halieutiques, Dosso Moussa, ainsi que les responsables des différentes filières agricoles, ont effectué le déplacement à Paris pour porter l’essentiel du message de la politique agricole de la Côte d’Ivoire à la 57ème édition du SIA de Paris devant les investisseurs français et européens.
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