Scandale à l'Elysée : Quand Macron évite les questions qui fâchent sur l'Afrique !

Scandale à l'Elysée : Quand Macron évite les questions qui fâchent sur l'Afrique !

Lors d'une rencontre de plus de 2 heures, ce vendredi à Paris, avec les journalistes accrédités membres de la Presse présidentielle, le Président français n'a pas eu un mot sur le Mali ou la Côte d'Ivoire.

Par Bruno Fanucchi

A l'invitation de l'Association de la Presse présidentielle, Emmanuel Macron avait accepté de rencontrer ce vendredi 28 août au Palais de Tokyo (Paris 16ème) une cinquantaine de journalistes accrédités à l'Elysée pour faire un large tour d'horizon de la politique nationale et internationale. Et les sujets d'actualité ne manquaient pas en cette rentrée 2020.

Après un long propos liminaire d'environ un quart d'heure, où il n'a pas dit un seul mot de l'Afrique, malgré le coup d'Etat qui vient de se dérouler le 18 août au Mali et la situation désormais explosive en Côte d'Ivoire et en Guinée, où des élections présidentielles sont prévues en octobre prochain, le Président français se soumet de bonne grâce au traditionnel jeu des « questions-réponses ».

Mais la surprise sera totale car le chef de l'Etat ne joue pas vraiment le jeu. Il n'a rien à dire sur le Mali ou la Côte d'Ivoire. En plus de deux heures de rencontre non-stop avec les journalistes de la Presse présidentielle, le président Macron va réussir à éviter soigneusement les questions qui fâchent sur l'Afrique. Bien aidé en cela par un « staff » de presse qui demande en amont aux journalistes de leur soumettre leurs questions avant de leur passer le micro.

Notre directeur de la publication, Clément Yao, va en faire l'amère expérience. Le président l'a très bien vu lever la main à plusieurs reprises et serait même prêt à lui céder la parole quand son tour viendra, mais on s'approche de lui habilement pour s'enquérir de la teneur de la question qu’il souhaite poser.

Mauvaise pioche : il veut interroger le Président français sur les événements en cours en Côte d'Ivoire, où le président Alassane Ouattara est prêt à violer la Constitution pour briguer un 3ème mandat alors que la Constitution de 2016 ne lui permet pas, et sur la répression brutale de marches de femmes « aux mains nues ». Et une autre question concomitante sur la Guinée Conakry, où le président Alpha Condé s'apprête à faire de même. Fondateur du site que vous suivez régulièrement et qui a déjà sorti nombre de scoops et de grandes interviews sur l'actualité africaine, membre de la Presse présidentielle et Vice-Président de l'Union de la Presse Francophone (UPF France), Clément Yao n'aura jamais le micro !

"Vôtre parole est attendue en Côte d'Ivoire"

Cette pseudo-conférence de presse tourne alors en un exercice de style bien huilé de « communication » parfaitement contrôlée, où tout doit être l'avantage du chef de l'Etat. Comme il part le 1er septembre à Beyrouth, Emmanuel Macron répondra ainsi à cinq questions sur le Liban. Fort bien, c'est normal. Mais le Président français vient également de recevoir mercredi à l'Elysée le Président sénégalais Macky Sall, invité en France par le MEDEF, et il s'apprête à recevoir Alassane Ouattara (qui passe quelques jours de vacances dans sa résidence privée de Mougins) mercredi 2 septembre prochain, à son retour du Liban, si l'on croit Jeune Afrique. Ouattara, qui a réussi l'exploit de faire contre lui l'union de toute l'opposition (de Bédié à Gbabgo et Soro) et de la société civile disant « Non à un 3ème mandat !», n'entend surtout pas renoncer. Il est désormais dans le déni et sourd à toutes critiques car, entouré de courtisans, il s'imagine que tout le pays est derrière lui.

Dans un tweet devenu célèbre, Macron l'avait pourtant félicité le 5 mars dernier, quand il avait solennellement annoncé devant le Congrès réuni de manière exceptionnelle à Yamoussoukro sa décision de ne pas être candidat en 2020, en ces termes : « Je salue la décision historique du Président Ouattara, homme de parole et homme d'Etat, de ne pas se présenter à la prochaine élection présidentielle ; Ce soir la Côte d'Ivoire donne l'exemple ». Le 6 août dernier, Ouattara est revenu sur cet engagement solennel, en prétextant un cas de « force majeure ». La question de notre confrère est donc bien d'une parfaite actualité, mais le scandale de l'Elysée, c'est que les questions et sujets sont soigneusement triés. Le grand public ne le sait pas !

« Votre parole est attendue en Côte d'Ivoire », vient pourtant de lui rappeler dans une « Lettre ouverte » et rendue publique mercredi – il y a moins de 48 heures – un certain Guillaume Soro. Ancien Premier ministre (2007 – 2012), puis Président de l'Assemblée nationale (2012 – 2019) de Côte d'Ivoire, en rupture de ban avec le Président Ouattara, lui demande expressément de prendre position contre ce 3ème mandat « anti-constitutionnel ».

Une Lettre ouverte à laquelle Macron n'a pas donné de réponse jusqu'à présent, alors que Soro (Président du mouvement « Générations et Peuples solidaires »), provisoirement contraint à l'exil en France, est pourtant la première personnalité ivoirienne à s'être déclarée en octobre dernier candidat à la présidentielle du 31octobre prochain. Cherchez l'erreur !

Sur tous ces sujets, le silence de la France est « assourdissant » depuis plusieurs semaines... Le Président Macron croit-il pouvoir éviter encore bien longtemps les sujets sur l’Afrique qui fâchent ? D'Abidjan à Bamako ou Conakry, la déception et l'incompréhension populaire grandissent et vont malheureusement nourrir un grave « ressentiment anti-français » qui ne cesse de monter depuis de longs mois et qui va faire de sérieux dégâts.

Bruno Fanucchi

Par Pays

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