Ansoumane Kaba, PDG du Groupe GUITER et Président du Conseil National du Patronat Guinéen (CNP-Guinée) : "La Guinée est un pays attractif pour les investisseurs"

Ansoumane Kaba, PDG du Groupe GUITER et Président du Conseil National du Patronat Guinéen (CNP-Guinée) :

M. Ansoumane Kaba PDG du Groupe guinéen GUITER 


Leader du BTP en Guinée Conakry, Ansoumane Kaba est PDG du Groupe GUITER et président du CNP, le patronat guinéen. Dans cet entretien, il nous assure que son pays reste une place d’investissement sûre dans la région, en dépit des quelques difficultés liées à une pression fiscale élevée et au faible taux de bancarisation des entreprises nationales.

Propos recueillis par Clément Yao 

La croissance guinéenne (5,8 % en 2018) est en grande partie, selon la Banque mondiale, portée par les Investissements directs étrangers (IDE), notamment dans le secteur minier. Quelle est la part de contribution des entreprises nationales ?

Ansoumane Kaba : La contribution des entreprises nationales dans cette performance est faible. Les entreprises guinéennes sont, en effet, faiblement actives dans le secteur minier. C’est dans le secteur des services, du BTP et de l’industrie que leur contribution est importante.

Inversement, la croissance du secteur non-minier a pour sa part atteint 5,6 %, l'investissement dans les infrastructures et la croissance des secteurs primaire et tertiaire restent globalement solide. Le secteur du BTP, dont votre groupe est un des géants de la place, a forcément tiré profit de cet embonpoint économique ?

Des financements par le budget national et par des internationaux dans le secteur du BTP ont globalement été importants ces dernières années. Nous avons ainsi enregistré une progression moyenne de nos activités de l’ordre de 5% à 10 % durant les trois dernières années.

"Le manque de financement adapté

ou l’accès difficile au financement

ne favorisent pas le développement des entreprises"

Quelles sont les difficultés des entreprises guinéennes, notamment les PME qui constituent le moteur de la croissance économique et sont pourvoyeuses d’emplois ?

Les difficultés des PME guinéennes sont d’ordre interne : environnementales et réglementaires. Au plan interne, tout d’abord, les PME doivent se doter de structures organisationnelles efficientes (bonne qualité managériale des dirigeants, qualification du personnel, renforcement des fonds propres, bonne tenue de la comptabilité, etc.). Ensuite, l’environnement économique, financier et juridique des PME connaît des contraintes.

En effet, le manque de financement adapté ou l’accès difficile au financement bancaire ne favorisent pas le développement des entreprises. Le poids de la pression fiscale sur les PME qui optent pour la formalisation de leurs activités renforce la méfiance des PME vis-à-vis de l’administration et crée un climat de méfiance et de défiance. Enfin, le cadre réglementaire ne prévoit pas l’accompagnement et la protection des PME qui souffrent du poids des grandes entreprises étrangères et parfois de la concurrence déloyale.

"Le secteur informel représente

plus de 60% de notre économie !"

Dans de nombreux pays africains, la fiscalité appliquée aux entreprises tue l’investissement. Quelle est la situation aujourd'hui en Guinée ?

La Guinée ne fait pas exception à cette triste réalité. En effet, la non-connaissance et la mauvaise perception de la fiscalité - liées à la fois à l’absence de communication adaptée de l’administration fiscale et à la réticence des PME à se doter de conseils et de compétences dans ce domaine - sont les principales causes de cette réalité. Ainsi, les quelques PME qui ont des structures formalisées sont les seules taxées par l’administration fiscale. Ce qui conduit à un niveau de pression fiscale individuelle très élevée, même si celle au niveau national peut paraître faible. Enfin, le système de recouvrement de certains impôts, à savoir, l’encaissement en espèces ou par chèques non barrés ou dans des comptes non domiciliés à la Banque centrale favorisent les multiples perceptions sur les PME non autorisées et qui aboutissent parfois à des redressements fiscaux de ces mêmes PME. Concrètement cette attitude de l’administration se justifie par le poids important du secteur informel : plus de 60% de notre économie !

Le Conseil National du Patronat de Guinée (CNP) est membre du Réseau du MEDEF International. Qu’est-ce que ce partenariat apporte concrètement aux entreprises guinéennes ?

Le Conseil National du Patronat (CNP-Guinée) n’est pas, à proprement parlé, affilié au MEDEF International. Il est plutôt membre de l’Organisation international des employeurs (OIE), qui regroupe le patronat par pays. Le CNP-Guinée est aussi membre de l’Organisation sous-régionale africaine (FOPAO) qui regroupe les 16 patronats des Etats de la CEDEAO (Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest) et qui ont naturellement des liens privilégiés avec le MEDEF.

Vous avez organisé en mars dernier un atelier au profit des chefs d’entreprises en partenariat avec le BIT (Bureau international du Travail), une formation s’inscrivant dans le cadre du plan stratégique quinquennal du CNP. Pensez-vous être sur la bonne voie pour hisser le CNP au niveau des organisations patronales les plus performantes de la sous-région ?

Le CNP-Guinée est effectivement partenaire du BIT. Et, à travers le présent Plan Stratégique de Développement validé, qui couvre la période 2019-2023, nous nous sommes fixés comme objectifs de nous ériger en principal représentant du secteur privé, de prendre part à l’élaboration des politiques de développement, de renforcer le cadre de dialogue tripartite. Et, enfin, nous voulons faire du CNP-Guinée une organisation patronale performante qui fonctionne selon les standards internationaux.

En 30 ans d’existence, votre entreprise GUITER SA s’est beaucoup développée en investissements et a su diversifier ses activités. Au vu de votre expérience, la Guinée est-elle une bonne place pour les investisseurs et quels sont les secteurs porteurs ?

La Guinée est un pays attractif pour les investisseurs en raison de son potentiel minier, agricole, touristique et de ses eaux poissonneuses. Le climat des affaires a connu une nette amélioration, et le secteur de la communication a connu un grand essor avec la présence de la fibre optique et des acteurs internationaux importants. Les tensions politiques, sociales existent et sont préoccupantes. Mais elles sont généralement maîtrisées et ne sont pas de nature à compromettre les investissements dans le pays.

Votre entreprise jouit d’une excellente réputation dans votre pays. Envisagez-vous d’étendre vos activités en dehors des frontières guinéennes ?

Nous avons déjà noué de bonnes relations avec certaines entreprises étrangères africaines et asiatiques depuis plusieurs années. Nous sommes depuis deux ans en négociation avec les autorités sierra-léonaises pour la réalisation de certaines routes dans ce pays voisin. Nous avons prospecté les marchés ivoirien et malien à plusieurs reprises afin de nouer des partenariats avec les entreprises de ces deux pays.

Votre mot de la fin ?

Nous profitons de cette opportunité pour lancer un appel aux hommes et aux femmes d’affaires guinéens, ainsi qu'aux entreprises guinéennes de se mettre ensemble pour mieux défendre leurs intérêts et être considérés comme des partenaires incontournables des autorités guinéennes et des partenaires et amis de la Guinée.

Clément Yao

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