Charles Blé Goudé : « Ouattara a eu 10 ans et avait dit lui-même qu'il ne peut être candidat »

Charles Blé Goudé : « Ouattara a eu 10 ans et avait dit lui-même qu'il ne peut être candidat »

Charles Blé Goudé, président du Cojep (Congrès Panafricain pour l’Egalité et la Justice des Peuples)


A La Haye, où il attend la décision finale des juges de la Cour Pénale Internationale, l’ancien leader des Jeunes Patriotes (désormais en liberté conditionnelle) nous a accordé un entretien exclusif. Charles Blé Goudé dénonce la prétention du président Alassane Ouattara à troisième mandat et exhorte les Ivoiriens à préserver la paix.

De notre envoyée spéciale à La Haye, Herika Ouraga

Regard serein et convaincant, la tête sur les épaules avec une fière allure, Charles Blé Goudé, président du Cojep (Congrès Panafricain pour l’Egalité et la Justice des Peuples), sort de l’«enfer » carcéral la « tête haute » !

L’ex-ministre de la Jeunesse de Laurent Gbagbo avait été transféré à la CPI (Cour Pénale Internationale) avec l'ex-Président ivoirien le 22 mars 2014 pour « crimes contre l’humanité ».

Mais, depuis le mois de mai 2020, les conditions pour sa remise en liberté ont été allégées. Et c’est de bon augure pour le « général de la rue » qui reprend désormais la parole. « Je suis aujourd’hui retenu à La Haye… Oui il y a eu des ratés mais je suis un être humain et tout ne peut pas être parfait… Jamais je n’ai perdu l’espoir que je sortirai de là parce que je savais qu’on a voulu fabriquer un ennemi devant le monde entier. Malheureusement, tout ce qu’on me reprochait n'était qu'un château de cartes », souligne Charles Blé Goudé.

Depuis sa résidence de La Haye, l’ancien leader des Jeunes Patriotes vit sa liberté comme il l’entend. Il s’occupe en s’informant sur l’actualité dramatique de son pays, la Côte d’Ivoire. Comme il fallait s’y attendre, Charles Blé Goudé ne mâche pas ses mots sur la candidature du président Alassane Ouattara à un troisième mandat. « Je veux poser la question sur le plan éthique pour dire que la valeur et la grandeur d’un homme se mesure à la fusion qui existe entre la pensée, la parole et l’acte d’un homme… Cette trilogie entre pensée, parole et acte devrait pouvoir guider nos leaders qui, pour nous, doivent être des modèles… », observe-t-il d’entrée de jeu, Charles Blé Goudé sur cette question qui fait débat.

Pour le président du Cojep, la crédibilité d’un homme politique devrait se mesurer au respect de la parole donnée. « On ne dit pas une chose à 14h selon ses petits calculs et, à 14h30, on dit le contraire … Au-delà de la Côte d’Ivoire, je pense que chaque président africain ne devrait pas venir avec sa Constitution juste pour se maintenir au pouvoir… Houphouët Boigny a eu son temps, il est parti… Henri Konan Bédié a eu son temps, il est parti… Le président Gbagbo a eu son temps, il est parti… », rappelle-t-il avant de conclure : « Le président Ouattara, il a eu 10 ans et, comme lui-même l’a dit ouvertement, devant les sénateurs, les députés et les caméras du monde entier, il ne peut pas être candidat !».

Comme il fallait s’y attendre, le président ivoirien, Alassane Ouattara, a annoncé sa candidature à un troisième mandat au soir du 6 août, lors du traditionnel discours à la Nation prononcé à la veille des 60 ans d’indépendance de la Côte d’Ivoire.

Pour dénoncer cette candidature « illégale » et « anticonstitutionnelle », l’opposition et les membres de la Société civile ont invité tous les Ivoiriens à envahir les rues d’Abidjan et de toutes les villes du pays le 13 août dernier… Une manifestation qui a laissé place à des affrontements entre pro-Ouattara et l’opposition dans plusieurs villes, notamment à Daoukro, Gagnoa et Bonoua.

« Le 5 mars 2020, plusieurs personnalités lui ont dit et je cite qu’un 3ème mandat pourrait être source de déstabilisation pour la Côte d’Ivoire… Or lui, il veut la paix dans son pays… Il a même dit que sa décision est prise depuis deux ans… Et aujourd’hui, il revient sur sa décision avec l’argument de force majeure relatif au décès d’Amadou Gon Coulibaly. J’aurais été RHDP, je serais choqué », ajoute, consterné, Charles Blé Goudé.

"Je suis prêt à rentrer au pays pour faire la paix

avec mes adversaires les plus farouches"

Le président du Cojep estime ainsi qu'il faudrait une meilleure gestion des alliances politiques en Côte d’Ivoire en vue de garantir une présidentielle parfaitement transparente. « Le MFA, l’UDPCI, le PDCI-RDA ne partagent pas la même idéologie que le FPI et ainsi de suite… Le PDCI-RDA ne partage pas la même idéologie que le Cojep que je dirige… Mais quand tous ces partis politiques sont ensemble, c’est une alliance circonstancielle qui permettrait  qu’il y ait des élections transparentes et que nous ayons des institutions fortes en Côte d’Ivoire».

En ce qui concerne une éventuelle candidature à la présidentielle du 31 octobre prochain, la décision de Charles Blé Goudé est claire et sans ambages : « Je suis réaliste. Je ne serai pas candidat pour 2020 parce qu’une élection, ça se prépare… ». Le plus important pour lui est de réussir à installer des coordinations du Cojep dans d’autres pays du monde, en mettant l’accent sur la formation. « Nous prenons le temps de nous implanter et de former nos militants. Nous pensons d’abord implantation, formation et structuration. C’est à ce stade où nous nous trouvons actuellement », reconnaît-il.

En attendant, Charles Blé Goudé prépare la sortie de son deuxième ouvrage qui, après « De l’enfer, je reviendrai », sera intitulé « Aller-Retour ». Car s'amuse t-il à rappeler : « Je suis allé en prison et je suis revenu… L’aller-retour, c’est une galette ivoirienne. Quand vous la goûtez, vous revenez…».

Agé bientôt de 49 ans, l’ancien ministre de la jeunesse prévoit de rentrer un jour en Côte d’Ivoire même si, pour l’heure, il ne dispose pas d’un passeport pour voyager… Une fois de retour au pays, il se dit prêt à rencontrer ses « adversaires les plus farouches » pour des discussions, afin de faire de la paix une priorité. « Je me suis imposé la mission de parler avec eux. On ne peut pas forcément partager le même point de vue sur les mêmes sujets mais, au moins, je peux aller vers eux pour qu’on se parle. Pour leur dire que la démocratie c’est la diversité des opinions. On ne peut pas partager les mêmes opinions sur les mêmes sujets ni avoir la même vision sur la Côte d’Ivoire, mais il serait bon que, dans le respect de nos différences, on puisse construire la Côte d’Ivoire ensemble ».

Suivre aussi la vidéo de l'entretien exclusif accordé par Charles Blé Goudé, président du Cojep, à Herika Ouaraga, notre envoyée spéciale à La Haye 

Herika Ouraga

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