Cinquantenaire du Fespaco : Mel You y croit jusqu'au bout !

Cinquantenaire du Fespaco : Mel You y croit jusqu'au bout !

Mel You Akre Loba Diby réalisatrice ivoirienne de la série télévisée « Blog » 


Présente pour la première fois au Fespaco, la jeune réalisatrice ivoirienne Mel You Akre Loba Diby,  qui a créé la série télévisée « Blog » et concourt pour un Prix, ne passe pas inaperçue au Festival. Tenant un langage direct et anti-conformiste, elle appelle les jeunes Africains à rester au pays et à transformer le Continent. Un discours décapant ! Rencontre.

De notre envoyé spécial à Ougadougou, Bruno Fanucchi

« Etre déjà sélectionnée pour le Fespaco et se retrouver toute une semaine au milieu des plus grands artistes et cinéastes du Continent, c'est inimaginable ! C'est mon premier film et être nominée ici, c'est pour moi un grand honneur. C'est pourquoi, même si je n'ai pas encore le trophée, j'y crois jusqu'au bout ! ». Comme beaucoup d'artistes venus de toute l'Afrique pour ce grand rendez-vous du cinéma, la jeune réalisatrice ivoirienne Mel You veut croire en son étoile et se dépense sans compter pour faire connaître « Blog », coproduit par la RTI et TV5 Monde. Une série qui fait déjà un tabac en Côte d'Ivoire, mais mériterait bien une plus large diffusion tant le sujet est original même s'il se passe dans un quartier huppé d'Abidjan.

En compétition dans la catégorie « Meilleures séries africaines », Mel You veut donc y croire tant il est vrai que les combats perdus sont ceux que l'on n'a pas mené avec foi jusqu'au bout. D'autant plus qu'elle a déjà un beau parcours. Formée à l'Institut National de l'Audiovisuel (INA) de Paris, après des études de communication à Nantes, cette Ivoirienne – mère de trois jeunes enfants - est une femme hyper-active qui a pour ambition de créer et de faire vivre un cinéma différent.

« Blog est une série de douze épisodes de vingt-six minutes qui parle d'une Mamie à la retraite qui s'ennuie et qui décide de devenir bloggueuse. Elle n'est pas très férue de nouvelles technologies, mais à l'aide de son petit-fils elle essaie de s'adapter et décide de parler de tout ce qui se passe dans son quartier de Riviera Golf, des ragots, des rumeurs, des voisins. Ce qui est original dans notre série, c'est que notre bloggeuse reste énigmatique : on ne la voit jamais à l'écran, mais on l'entend, on entend ses réflexions et commentaires, mais toujours en voix off... L'ancienne génération regarde vire au quotidien la nouvelle qui est toujours au téléphone ou sur le web et c'est assez drôle».

Comment est née cette série ? « Je l'ai écrite avec ma petite sœur Malika qui est scénariste et écrivain. Et, neuf mois après ce premier travail, le temps d'une gestation, on a pu bénéficier de la co-production de RTI Distribution, qui a vraiment pour mission de révolutionner le cinéma en Afrique au travers de séries de qualité. Et c'est ainsi qu'avec la participation également de TV5 Monde on a pu monter cette série de douze épisodes ».

"Nous avons voulu montrer

une Afrique qui donne envie"

Avec pour but de montrer pour une fois un beau visage de l'Afrique et de tous ceux qui y vivent.

« Nous avons fait de gros efforts sur les décors, poursuit-elle, en montrant de belles plages et de beaux quartiers car nous avons voulu montrer une Afrique qui donne envie. Pour que tous les Africains soient fiers de la terre sur laquelle ils vivent et que tous les Africains de la diaspora qui vivent sur d'autres continents se disent : Mince, il faut qu'on rentre au pays ».

Et Mel You d'ajouter tout de go : « J'ai peut-être une philosophie un peu biscornue, mais je crois que, si l'on en a vraiment marre de l'immigration dans les pays du Nord, il faut que l'on investisse ici dans le cinéma. Car, à chaque fois que l'on voit de super héros, de belles vies ou de belles choses à l'écran, c'est toujours aux Etats-Unis, en France, en Italie ou en Espagne... Du coup, les Africains se projettent là-bas et rêvent d'y aller alors que l'on peut vivre très bien et être très heureux chez nous. Le secret de la réussite, c'est d'y croire. Pour que les jeunes croient en l'Afrique, il faut changer les mentalités et le cinéma a ce pouvoir ».

Mel You a donc le courage de tenir sur un sujet aussi sensible que l'immigration un discours très anti-conformiste. « Partir, quitter son pays et traverser la Méditerranée au risque de sa vie, c'est un leurre, explique-t-elle. C'est un mirage car si tous ces jeunes désespérés et sans emploi mettaient autant d'énergie pour réussir ici que pour tenter une traversée sans lendemain sur des bateaux de fortune, ils y arriveraient forcèment et transformeraient le Continent. En Afrique, on a besoin de jeunes qui sont déterminés à réussir et ce serait rapidement une autre Afrique. Mais pour y arriver, il faut croire en soi. Il faut donc rester là, chez nous. C'est à nous de bâtir le pays et qu'on le bâtisse ensemble ».

« Je veux vraiment améliorer la vie des autres »

Quel a été le déclic de toute son action et de son engagement culturel ? « C'est vouloir changer le monde, réplique-t-elle aussitôt. Et j'y crois vraiment et j'y travaille. Je crois que l'on peut changer son environnement même par de petites choses. Je crois qu'il nous faut être un modèle de réussite et donc d'apiration au bonheur ».

Femme de cinéma et de communication, la belle Mel You a d'ailleurs bien d'autres passions. « Je chante, je joue de la guitare, j'écris des contes pour les enfants et j'ai même une organisation qui travaille pour améliorer la condition des enfants en milieu rural...  Je veux vraiment améliorer la vie des autres. Et, même dans le cinéma, c'est vraiment cela qui me motive. Le cinéma est devenu une passion. J'aime le cinéma et c'est magnifique de pouvoir travailler dans ce que tu aimes le plus car c'est avec amour qu'on le fait». Son film préféré ? « Autant en emporte le vent », lâche-t-elle avec romantisme.

Avec elle, comme avec quelques autres artistes et cinéastes de renom du « Pays des Eléphants, la Côte d'Ivoire est donc bien représentée au Fespaco. Le ministre ivoirien de la Culture et de la Francophonie, l'écrivain Maurice Bandaman, est d'ailleurs venu le week-end dernier à l'ouverture du Festival et le nouveau Patron de la RTI, Fausseni Dembele, a réservé à Ouagadougou et au Fespaco son tout premier déplacement à l'étranger.

Bruno Fanucchi

COMMENTAIRES