Les représentants togolais jugent le Festival : "Le Fespaco est une formidable tribune pour le Togo"

Les représentants togolais jugent le Festival :

Le Fespaco fait de Ouagadougou la capitale du cinéma africain pendant une semaine. Chacun y pousse la production de son pays. Comme Denis Essohanam Koutom, Directeur national de la cinématographie à Lomé, et Isabelle Paradiso, Présidente de l'Association des femmes cinéastes du Togo. Entretiens.

De notre envoyé spécial à Ouagadougou, Bruno Fanucchi

Un petit pays peut parfois avoir de grandes ambitions. C'est le cas du Togo, dont une délégation importante participe cette année au Fespaco (Festival panafricain de l'audiovisuel et du cinéma de Ouagadougou) avec le secret espoir d'y remporter un prix. « Nous avons quatre films en compétition, notamment dans la nouvelle catégorie des films d'animation, qui sera primée pour la première fois, et nous espérons jusqu'au bout décrocher un trophée », souligne Denis Essohanam Koutom, directeur national de la cinématographie, qui conduit à Ouaga une délégation d'une cinquantaine de réalisateurs et comédiens du Togo.

« Nous sommes également en compétition pour un beau documentaire qui vaut le détour et s'institule T'bool ou La danse du feu en pays bassar », ajoute ce spécialiste éclairé du cinéma africain qui participe ès qualité à chaque édition du Fespaco depuis 2013.

« L'essentiel, pour nous, est bien sûr de participer, observe-t-il encore, mais le plus important est surtout la formation. C'est pourquoi j'ai clairement invité tous les Togolais présents au Fespaco à participer activement aux ateliers, débats et conférences qui s'y déroulent quotidiennement dans les différents villages du Festival. Afin que chacun se dise sur le chemin du retour : je suis venu ici chercher un plus pour mon art ou mon métier et je l'ai bel et bien trouvé. Je ne suis pas venu pour rien ». Voilà la philosophie pragmatique qui anime à Ouaga la délégation togolaise.

C'est toute la force, l'attrait et le charme du Fespaco, qui fait de Ouagagoudou pendant une semaine la capitale du cinéma africain. On y trouve de bons contacts et on y fait de belles rencontres utiles au développement du 7ème Art sur le Continent.

Quelles en peuvent être les retombées concrètes et économiques pour l'industrie cinématographique  d'un pays comme le Togo ? C'est bien évidemment trop tôt pour le dire. Mais le Directeur national de la cinématographie se dit persuadé qu'il en ramènera des relations et des contacts positifs pour le secteur dont il a la charge et qui, aux yeux du grand public, n'apparaît pas toujours comme une priorité. Le cinéma, pensent certains esprits chagrins, c'est certes distrayant mais cela ne rapporte rien. M. Koutom s'inscrit en faux par rapport à cette analyse défaitiste.

Je me bats pour la création d'un Fonds

spécifique d'aide au 7ème Art»

« Le Fespaco est pour nous une formidable tribune pour faire connaître le cinéma et les réalisations du Togo ainsi que nos efforts pour faire bouger les choses », explique-t-il. Avant d'ajouter : « Ce que nous espérons, si jamais nous remportons ici un Prix, c'est de faire prendre conscience aux autorités togolaises de l'importance stratégique du 7ème Art. Grâce au cinéma, on peut faire comprendre beaucoup de choses à nos populations et donner une image plus positive de notre pays qui ne manque pas de charmes et d'atouts pour attirer investisseurs et touristes ».

« Nous ne produisons jusqu'à présent que cinq à dix films par an, mais mon rôle est précisément d'améliorer les choses en trouvant aussi de nouvelles sources de financement. C'est pourquoi je me bats pour la création d'un Fonds spécifique d'aide au cinéma qui nous permette de franchir un cap car les projets ne manquent pas. Mais il faut que ces projets aboutissent et deviennent des films au lieu de rester dans des cartons ».

« Nous avons ainsi lancé la Semaine nationale du cinéma togolais qui se déroule traditionnellement, depuis 2016, la première semaine du mois de juillet, et nous décernons depuis 2017 un prix aux deux meilleurs films (documentaire et fiction) doté chacun d'une récompense de 500.000 francs CFA. Cette Semaine était cantonnée jusqu'à présent à Lomé, mais nous aimerions cette année organiser des projections décentralisées dans les cinq grandes régions du pays ».

Car Lomé, la capitale, est désormais dotée de deux grandes et belles salles de cinéma : Canal Olympia Gadopé, inaugurée en septembre 2017 par Vincent Bolloré en personne, et Canal Olympia Bide, ouverte en novembre 2018. Deux salles qui marchent très bien et participent bien sûr à la relance du cinéma dans le pays.

"Le cinéma a changé ma vie

et m'a réellement sauvée"

Comédienne et scénariste depuis 2010, après avoir travaillé dans une autre vie pour la CENI (Commission électorale nationale indépendante), Isabelle Paradiso – c'est son nom de scène – a elle-aussi fait le voyage de Ouagadougou et ne le regrette pas, loin s'en faut, même si elle n'a pas de film en compétition.

« Je me suis lancé à corps perdu en 2010 dans cette nouvelle carrière pour ne pas faire une dépression. Le cinéma a changé ma vie et m'a réellement sauvé », confie-t-elle en toute simplicité, en soulignant qu'elle a suivi dans la foulée « une formation accélérée » pour être rapidement au niveau car c'est un vrai métier difficile où l'on ne peut pas tricher.

« C'est mon premier Fespaco et il y a ici une ambiance formidable », ajoute la Présidente de l'Association des femmes cinéastes du Togo qu'elle a fondée en 2016 et qui regroupe d'ores et déjà une cinquantaine de réalisatrices ou comédiennes de talent. « Nous sommes venus en bus de Lomé pour être le plus nombreux possible à Ouaga, poursuit-elle. Et les contacts utiles sont quotidiens. Au niveau du MICA (Marché International du Cinéma et de l'Audiovisuel africains), il y a beaucoup de stands de production qui peuvent aider nos jeunes artistes à faire sérieusement avancer leurs projets ». Et c'est donc comblée qu'elle repartira dès dimanche vers Lomé, heureuse de cette nouvelle expérience professionnelle. Avec plein d'idées en tête pour faire fructifier au pays tous les bons contacts noués à Ouaga.

Bruno Fanucchi

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