Economie du cacao : Les producteurs…les grands perdants

Economie du cacao : Les producteurs…les grands perdants

Le ministre ivoirien de l'Agriculture, Sangafowa Coulibaly avait à ses côtés l'ambassadeur du Ghana en poste à Paris, S.E.Mme Anna Bossman, dont le pays est le deuxième producteur mondial de fève de cacao après la Côte d'Ivoire 


Le ministre ivoirien de l’Agriculture, Sangafowa Coulibaly, a dénoncé la mauvaise répartition des fruits tirés de l’économie du cacao dont les plus gros bénéficiaires sont les industries du chocolat.

Par Clément Yao

Un des habitués du Salon international de l’Agriculture (Sia) de Paris, la Côte d’Ivoire était hautement représentée à l’édition 2018 par deux membres du gouvernement : Sangafowa Coulibaly, ministre de l’Agriculture, et Kobenan Adjoumani , ministre des Ressources animales et Halieutiques.

Consacrée à la Côte d’Ivoire, la journée du 1er mars a été marquée par plusieurs communications dont celle du ministre de l’Agriculture sur le deuxième programme du Plan national d’investissement agricole (Pnia 2) 2018-2025 présenté devant un parterre de professionnels, de syndicalistes, de décideurs politiques, d’industriels, d’institutionnels et surtout de consommateurs.

Lorsque le ministre Sangafowa Coulibaly a révélé - au cours des échanges avec le public - que sur les 100 milliards de dollars US générés chaque année par l’ensemble des chaînes de valeurs du cacao, les pays producteurs ne perçoivent seulement que 6 % de cette manne, dont moins de 2 % versés aux paysans (Sic !), la gêne s’est fait sentir dans les rangs des représentants du syndicat du chocolat français et des industriels qui, eux, se taillent la part de lion.

Les retombées de la transformation du cacao ont, en effet, toujours échappé au premier pays producteur mondial de cacao avec ses 2 millions de tonnes de fèves par an alors que la production de chocolat génère généralement près de dix fois plus de profits que les récoltes. Une triste réalité qui confirme la théorie de la dépendance décriée par les pays du Sud.

Comment sortir de cette impasse ? Pour la Côte d’Ivoire, la réponse se trouve dans la mise en œuvre de son deuxième Programme national d'investissement agricole couvrant la période 2018-2025. Après le succès du Pnia 1 (2012-2017) qui a porté la croissance nationale et fait reculer la pauvreté, ce programme est incontestablement la solution pour les autorités ivoiriennes.

La conférence animée par le ministre de l’Agriculture au Sia de Paris était un bon prétexte pour inviter les partenaires au développement à venir massivement investir dans le secteur agricole en Côte d'Ivoire. Ce programme concerne « les sous-secteurs de l’élevage, de l’agriculture, de la pêche, de l’aquaculture, la gestion de l’environnement, les questions de sécurité alimentaire et nutritionnelle, ainsi que les problématiques de développement rural et de résilience des populations. »

Le coût du Pnia 2 s’élève à 11 905 milliards de francs CFA, soit 18,2 milliards d’euros. A ce jour, 1 800 milliards de francs CFA (2,7 milliards d’euros) ont déjà été mobilisés. L’apport de l’Etat de Côte d’Ivoire se chiffre à 1 000 milliards de francs CFA (1,5 milliards d’euros) et l’appel de fonds à 1 400 milliards de francs (2,1 milliards d’euros).

L’enjeu économique est de taille. Le cacao, à lui seul, représente - selon la Banque mondiale - 22% du PIB, soit plus de 50% des recettes d'exportation et les deux tiers des emplois et des revenus de la population.

Les réformes engagées dans le secteur de l’agriculture ont par exemple permis de maintenir le prix minimum garanti aux producteurs pour stabiliser leurs revenus. Celui-ci était de 700 francs CFA le kilo, soit 1,06 euro lors de la campagne 2017-2018.

Ensuite, il a fallu s’attaquer au vieillissement de certaines plantations devenant moins rentables au-delà de la trentaine d’années d’exploitation et à la maladie du cacaoyer, le swollen shoot qui causait des dégâts sur la qualité des fèves. Pour arriver à bout de cette épidémie, le Conseil du Café Cacao (CCC), la structure de tutelle, avait débloqué, en son temps, huit milliards de francs Cfa (12,2 millions d’euros) pour venir en aide aux planteurs. C’est ainsi que des variétés de cacaoyers ont été introduites pour leurs qualités gustatives et leur résistance aux maladies.

C’est le cas du cacao « Mercedes » mise au point par des chercheurs ivoiriens du Centre national de la recherche agronomique (Cnra). Cette variété hybride, fruit de quinze années de recherches, offre une précocité de croissance et un rendement nettement meilleur.

L’autre grand défi que la Côte d’Ivoire est en train de relever, c’est la phase de développement d’une industrie de transformation de cacao à valeur ajoutée. Aujourd’hui, une douzaine d’entreprises de broyage de fèves de cacao se disputent ce secteur. Leur capacité de transformation est estimée entre 4 000 et 130 000 tonnes.

On compte parmi ces industriels, le géant américain Cargill, les Français Cemoi et Total, la Société africaine de cacao (Saco), l’entreprise singapourienne de négoce et de courtage Olam, pour ne citer que ceux-là. Cette transformation de la fève de cacao en produits semi-finis permet d’obtenir de la masse de cacao, du beurre de cacao et du tourteau. Le français Cemoi est la seule entreprise de broyage de fèves de cacao qui dispose d’une chocolaterie locale implantée en 2015 avec une capacité de production annuelle de 9 000 tonnes. L’objectif du gouvernement ivoirien est d’atteindre d’ici l’horizon 2020, la transformation des 50 % de la fève de cacao.

Clément Yao

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