Violence en RDC : L’indifférence de la communauté internationale
La République démocratique du Congo (RDC) est, sans nul doute, un pays à part. Le régime Kabila continue de réprimer dans le sang tout mouvement de contestation sans que la communauté internationale ne lève le petit doigt pour l’en dissuader.
Les faits récents le démontrent. La marche du 25 février dernier, à l’appel du Comité laïc de coordination (CLC) de l’Eglise catholique pour dissuader Joseph Kabila - dont le mandat est expiré depuis fin 2016 – de se représenter à la présentielle du 23 décembre 2018, a été brutalement réprimée par la police d’Etat du régime. Bilan : deux morts par balles et plusieurs blessés graves. Ces forces de police, entraînées à tuer, avaient fait usage de la même violence pour étouffer les manifestations du 31 décembre 2017 et du 21 janvier 2018. Le bilan fut beaucoup plus lourd : quinze morts et plusieurs blessés. En quelques trois mois, le régime Kabila a massacré dix-sept Congolais.
Au lieu de massacrer les populations civiles aux mains nues, ce pouvoir devrait plutôt se préoccuper de l’insécurité qui règne à l’Est du pays à cause de l’incapacité de l’armée et de la police congolaise à garantir l’intégrité territoriale, à protéger les populations civiles et à faire régner l’ordre public. Cette absence de l’Etat dans cette partie du pays profite naturellement aux groupes armés autochtones et étrangers qui se disputent les richesses du sous-sol avec parfois la complicité et l’ingérence des pays voisins.
Dans ce « no man’s land », les victimes des affrontements intercommunautaires et de l’impunité généralisée se comptent par centaines. Devant une telle situation, il est tout à fait légitime de s’interroger sur l’indifférence de la communauté internationale – les Nations Unies, l’Union Africaine (UA), l’Union européenne (UE), les organisations de défense des droits de l’Homme – face à cette barbarie d’Etat.
Que penser de la passivité de la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (Monusco) et de sa brigade d’intervention dotées pourtant de grands moyens financiers et humains ? La Monusco, dont le mandat court jusqu’au 31 mars prochain et qui compte un effectif de 16 215 militaires, 760 observateurs militaires et officiers d’état-major, 391 policiers et 1 050 membres d’unités de police constituées, s’avère particulièrement inefficace.
Or, dès sa mise en place décidée le 1er juillet 2010 par la résolution 1925 des Nations Unies, la Monusco avait reçu pour mission d' « utiliser tous les moyens nécessaires pour s’acquitter de son mandat, à savoir notamment garantir la protection des civils, du personnel humanitaire et des défenseurs des droits de l’homme exposés à une menace imminente de violences physiques, et aider le gouvernement de la RDC à stabiliser et à consolider la paix. »
Au vu de son incapacité à empêcher les massacres, même dans les zones placées sous l’autorité de l’Etat, on peut affirmer, sans risque de se tromper, que la Monusco a échoué dans la mission qui lui avait été assignée. Plusieurs observateurs ont pu le constater lors de la marche du 25 février dernier. Les casques bleus étaient arrivés sur les lieux des crimes quelques heures après le raid de la police en dépit des alertes et des antécédents.
La RDC semble être un cas particulier et la communauté internationale, visiblement pas très regardante, ne s'ingtéresse guère aux malheurs qui frappent ce pays. Pour nombre de Congolais, les conflits à l’Est sont assurément parmi les plus meurtriers depuis la seconde guerre mondiale. D’aucuns avancent même le chiffre de cinq millions de morts !
Il convient, sans exagérer, de parler de diplomatie à géométrie variable. Ailleurs, les missions onusiennes ont bien fonctionné comme ce fut le cas en Côte d’Ivoire, où l'Onuci (Opération des Nations Unies dans ce pays) a achevé son mandat avec succès le 30 juin 2017, puis a tout simplement plié bagages. Celle de la RDC est en cours depuis 1999. D’abord avec la Mission de l’Organisation des Nations Unies en RDC (Monuc), remplacée moins d’un an plus tard par la Monusco.
Il y a une chose dont on est cependant certain : si les mouvements de contestation venaient à s’en prendre aussi bien au régime de Joseph Kabila qu’aux intérêts des Occidentaux - en l’occurrence les multinationales les plus emblématiques présentes dans le pays - cela changerait la donne et les rapports de force. La compagnie minière Glencore, propriété du magnat israélien Dan Gertler, qui a acquis le plus grand gisement de cobalt au monde à prix d’or (962 millions US), n’accepterait pas par exemple de perdre des millions de dollars s’il venait à arrêter son exploitation pour cause de vandalisme. Idem pour les nombreuses entreprises belges, françaises, israéliennes, anglaises, américaines, canadiennes, suisses ou allemandes (…) qui exploitent les richesses minières du pays. Il est certain que, devant une telle hypothèse, la communauté internationale reverrait sa copie et changerait d’avis sur le régime autocratique et autoritaire de Joseph Kabila.
Editorial paru dans le Diasporas News N°94 de mars 2018