Omar Behi, ministre tunisien du Commerce : "La Tunisie est de retour en Afrique"

Omar Behi, ministre tunisien du Commerce :

Omar Behi, ministre tunisien du Commerce (au centre)


Un premier Forum économique africain vient de se tenir à Tunis avec pour objectif d'accélérer l'intégration africaine et de développer la coopération Sud-Sud. Sept ans après les « Printemps arabes », la nouvelle Tunisie veut donner l'exemple et se lance dans une politique d'ouverture tous azimuts pour muliplier ses relations politiques et ses échanges commerciaux avec les autres pays africains.

De notre envoyé spécial à Tunis, Bruno Fanucchi

« Plus transparent, tu meurs ! ». C'est la petite phrase lâchée par le ministre tunisien du Commerce, Omar Behi, en clôture du premier Forum économique africain qui vient de se dérouler à l'Hôtel Laïco de Tunis les 24 et 25 avril et aura coûté la bagatelle de 200.000 dollars au gouvernement tunisien. Organisé en trois mois seulement avec l'aide de la Banque Arabe pour le Développement Economique en Afrique (BADEA), ce Forum a cependant atteint tous ses objectifs en donnant le nécessaire coup de pouce aux décideurs et hommes d'affaires tunisiens pour s'ouvrir ou renouer avec leurs homologues du reste de l'Afrique.

« La Tunisie est de retour en Afrique », assure le ministre du Commerce qui est à l'initiative de ce projet audacieux visant à « établir de nouvelles relations avec les pays africains basés sur des intérêts mutuels et pas vus uniquement comme un marché potentiel ». La démarche se veut réaliste et pragmatique : tout le monde doit s'y retrouver ! Et les grands moyens ont été débloqués pour que ce lancement soit réussi : quelque 150 personnalités de toute l'Afrique ont été invitées et l'on comptait près d'un millier de personnes à la cérémonie d'ouverture.

Ce premier Forum – dont l'ambition est de « devenir un rendez-vous annuel incontournable pour accélérer l'intégration africaine et développer la coopération Sud-Sud » – s'est donc organisé autour de cinq secteurs vitaux pour l'économie du continent : 1/ Les Travaux publics et les Infrastructures ; 2/ Les Technologies de l'Information et de la Communication (TIC) ; 3/ L'Agriculture et l'Agro-business ; 4/ La Santé et la Pharmacie ; 4/ L'Education, la Formation et l'Enseignement supérieur. Cinq grands thèmes porteurs pour les cinq panels du Forum qui devaient être l'occasion d'échanges fructueux et de projets concrets, sans parler de nombreuses rencontres B2B menées pendant deux jours en parallèle.

Cinq nouvelles représentations

diplomatiques

Avec un taux de croissance global de 4,3 %, l'Afrique ne manque pas d'atouts même si « le taux d'échanges entre Africains ne dépasse pas actuellement les 13 % ». D'où la nécessité bien comprise par les autorités tunisiennes d'une ouverture tous azimuts du pays vers les organisations sous-régionales comme la CEDEAO (Communauté Economique des Etats d'Afrique de l'Ouest), au sein de laquelle la Tunisie décrochera le statut de « membre observateur » lors du Sommet de Lomé en juin prochain, ou comme le COMESA (Marché Commun de l'Afrique Orientale et Australe) dont elle s'apprête à devenir le 20ème membre. Sans oublier l'UMA (Union du Maghreb Arabe) dont elle fait partie depuis sa création en 1989 et dont l'actuel secrétaire général est l'ancien chef de la diplomatie tunisienne Taieb Baccouche.

Pour permettre à ses hommes d'affaires de sillonner le continent comme aux investisseurs africains de venir à Tunis, faciliter le trafic et les échanges avec le reste de l'Afrique, la Tunisie vient d'ouvrir cinq représentations diplomatiques au Bénin, au Burkina Faso, au Cameroun, en Guinée et au Mali. Tunisair, la compagnie nationale, vient quant à elle d'ouvrir deux nouvelles lignes aériennes sur Conakry (Guinée) et Cotonou (Bénin) et des liaisons maritimes sont prévues pour desservir prochainement la Côte d'Ivoire, le Sénégal et le Ghana. « Après le XXème siècle qui fut celui des indépendances, comme le souligne fort à propos le ministre du Commerce, le XXIème siècle doit être celui du développement économique et social pour les différents peuples africains ». Le cap est donc clairement fixé.

"L'Afrique compte aujourd'hui

plus d'un milliard de portables"

« Nous étions le grenier de Rome », se plaît à rappeler avec malice Slim Feriani, ministre de l'Industrie et des Petites et Moyennes Entreprises, très fier lui-aussi de défendre les atouts et points forts de la Tunisie nouvelle qui ne doit bien évidemment pas se limiter à la culture des dattes, des tomates et des olives, mais « développer des stratégies par filières, et notamment les filières à forte valeur ajoutée » même si « on ne peut pas être les meilleurs dans tout !»

« Le XXIème siècle sera en partie africain », renchérit Radhi Meddeb, PDG de COMETE Engineering et commissaire général de ce premier Forum économique de Tunis. « L'Afrique compte d'ores et déjà aujourd'hui plus d'un milliard de portables » qui sont « les outils de l'entrepreunariat, mais aussi de la Révolution », observe-t-il, comme on l'a vu en Tunisie en 2011. C'est pourquoi la Tunisie, « avec une jeunesse de plus en plus éduquée et branchée », comme l'ensemble de l'Afrique, où la moyenne d'âge est aujourd'hui de 20 ans, se retrouve confrontée aux défis de la jeunesse, de l'éducation et de l'emploi. Trois questions majeures qui ne vont pas se régler d'un seul coup de baguette magique.

Or « la croissance seule ne fait pas le développement », ajoute cet important opérateur du secteur privé et il est donc nécessaire que la Tunisie se donne les bons outils pour démarcher les pays du Sud. Regrettant ouvertement « que la Chine soit aujourd'hui le premier partenaire commercial de l'Afrique, loin devant l'Europe », Radhi Meddeb plaide pour « que les opérateurs privés tunisiens aient un accompagnement financier pour aller s'installer en Afrique » et « que nos banques fassent l'effort nécessaire ». Il faut espérer, pour la Tunisie, que le secteur privé soit entendu et compris.

Sept ans après les « Printemps arabes », puis la vague d'attentats terroristes ayant durement frappé le pays et son industrie touristique et hôtellière, la Tunisie – qui ne manque pas de jeunes talents et de chefs d'entreprise dynamiques - a besoin de se refaire une santé économique et de se prouver à elle-même qu'elle peut donner l'exemple et être bien utile au développement de l'Afrique.

Bruno Fanucchi

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