Présidentielle en Mauritanie : Comment se prépare l’après Aziz

Présidentielle en Mauritanie : Comment se prépare l’après Aziz

Le président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz ne sera pas candidat pour un 3ème mandat. Son dauphin, le général Gazhouani, est le choix de l’UPR (parti au pouvoir) pour la présidentielle du 22 juin. En face, plusieurs candidats de l’opposition se sont organisés en coalition. Analyse et décryptage de la situation politique en Mauritanie à la veille de cette échéance électorale primordiale.

Par Herika Ouraga

La décision est prise et elle est irrévocable. Le président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz ne sera pas candidat à sa propre succession pour la présidentielle du 22 juin prochain en Mauritanie. L’annonce, faite le 15 Janvier 2019, a mis fin à tout soupçon sur une éventuelle modification de la loi fondamentale du pays par le chef de l’Etat. Une situation inédite quand le changement de Constitution pour donner la possibilité au chef de l'Etat d'effectuer un 3ème mandat est de plus en plus fréquent en Afrique. 

Dans le camp du président sortant, la déception se lit encore sur les visages. Pour certains proches, la nouvelle reste encore difficile à digérer. « Le président de la République, Mohamed Ould Abdel Aziz appelait à mettre fin à toutes les tentatives visant à la révision de la Constitution le 15 Janvier… Nous nous inclinons devant sa décision et sa constance en la matière même si certains d’entre nous, et j'en fais partie, regrettons sa décision et la respectons. », souligne Me Jemal Taleb, ambassadeur itinérant de Mauritanie.

Selon ce diplomate mauritanien, très proche du Président, l’annonce de la limitation à deux mandats avait pourtant déjà été faite bien avant le 15 Janvier dernier. « En 2014, sur les antennes de la chaîne panafricaine Africa24 TV, le président de la République Islamique de Mauritanie avait déjà évoqué le fait qu’il ne dépasserait pas deux mandats. Et il n’a jamais changé », confirme Me Taleb, le celèbre avocat d’affaires.

Mais que dit rééllement la Constitution mauritanienne en matière de limitation de mandats présidentiels ? A ce sujet, il existe plusieurs interprétations et cas de figure…

Selon l’article 99 et ses alinéas, la volonté d’un changement de Constitution dans le pays aux millions de poètes doit se faire par l’ « initiative partagée » de l’Assemblée Nationale et du président de la République de « manière concurrente ». La proposition de loi doit ensuite être adoptée par la majorité des députés de l’Assemblée avec les deux tiers des suffrages exprimés. Lorsque la révision émane d’une proposition de loi, il appartient au chef de l’Etat de la publier pour que la loi soit applicable. Quand la révision provient du Président, les choix du référendum et du vote de l’Assemblée s’imposent  avec 3/5 des suffrages exprimés (vote de la majorité qualifiée)…

Comme le prévoit l’article 28, aucune modification ne peut se faire si « la révision va à l’encontre du mandat de cinq ans non renouvelable du président de la République ».

L’article 29, quant à lui, se veut plus « sacré ». Il donne l’occasion au Président de prêter serment au nom du Dieu suprême « Allah » avant toute prise de fonction. Bien évidemment, il ne permet pas de « soutenir directement ou indirectement une initiative qui pourrait conduire à la révision des dispositions relatives à la durée ou au nombre des mandats. ».

Si l’on s’en tient seulement à la dernière règle - l’aspect religieux - l’idée d’un troisième mandat pour le président Aziz ne devrait donc pas être envisageable.

"Le général Ghazouani sera le continuateur

naturel de l’œuvre du Président Aziz"

Pour assurer la continuité de l'action entreprise par l'actuel Président mauritanien, le parti au pouvoir, l’Union Pour la République (UPR), a donc choisi à l’unanimité Mohamed Ould Ghazouani, (actuel ministre de la Défense), comme candidat à la présidentielle de juin prochain. « La candidature de Ghazouani est soutenue par l’UPR. Il est le continuateur naturel de l’œuvre d’Aziz. Les deux hommes ont le même cerveau. Il était évident que si le président ne se présente pas, ça ne pouvait qu’être lui », relève Jemal Taleb.

Depuis début mars 2019, le général Ghazouani est le nouveau candidat de l’UPR. L’investiture a eu lieu lors du deuxième Congrès ordinaire du Parti dans un stade de Nouakchott plein à craquer. A présent, l’heure est désormais à la campagne présidentielle. Elle se fera avec l’ensemble des candidats à la succession du Président Aziz. « Le pays est calme. La vie politique est sereine… Toute l’opposition participe à la prochaine élection présidentielle. Les perspectives politiques et économiques sont à un bon niveau. Difficile de voir mieux.», se félicite Jemal Taleb.

Face au candidat de l’UPR, plusieurs autres prétendants à la magistrature suprême sont issus de la diversité politique mauritanienne. On note la candidature de Mohamed Ould Boubacar, ancien Premier ministre du régime d’Ould Taya. Il est soutenu par le parti islamiste Tawassoul, premier parti de l’opposition à l’Assemblée Nationale. Il y a également le docteur Mohamed Ould Maouloud, figure emblématique de la gauche progressiste, accompagné par le RFD d’Ahmed Daddah. La candidature de Biram Dah Abeid est portée par le groupe Sawab, les héritiers du parti Baasiste (les nationalistes arabes). Kane Hamidou Baba, à son tour, est épaulé par la coalition « Vivre Ensemble » du FPC de Samba Thiam, ancien FLAM, et Ibrahima Mokhtar Sarr de l’AJD-MR, candidat malheureux à la présidentielle de 2009 et ancien député.

Les défis qui attendent le « nouveau futur » Président de la Mauritanie sont énormes. Le nouveau chef de l’Etat devrait poursuivre l’œuvre entamée par le président Aziz notamment maintenir la sécurité au sein du G5 Sahel (groupe régional composé du Mali, du Burkina Faso, du Tchad, du Niger et de la Mauritanie), assurer le renforcement de la production de la centrale électrique installée en 2009 (qui exporte vers le Mali et le Sénégal) et favoriser le dialogue inter-ethnique afin d’établir un climat de paix entre tous les Mauritaniens et mettre fin aux injustices sociales. Un vaste programme.

Herika Ouraga

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