Ramatoulaye Diallo N’Diaye, ministre malienne de la Culture : » Je veux refaire de la Culture la vitrine du Mali »
Reconduite en avril dernier à la tête du ministère de la Culture, Ramatoulaye Diallo N’Diaye a lancé un ambitieux programme de renaissance des festivals au Mali. A un mois de la traditionnelle Biennale de Bamako, qui réunira du 2 décembre prochain au 31 janvier 2018 les plus grands de la photo, rencontre avec une personnalité atypique et pleine d’énergie.
De notre envoyé spécial à Bamako, Bruno Fanucchi
Dans la famille Diallo, on est ministre de mère en fille. La mère de Ramatoulaye Diallo N’Diaye, actuelle ministre malienne de la Culture, qui nous reçoit à Bamako, Mme Lala Sy Diallo, était en effet ministre du Travail et de la Fonction publique sous la présidence de Moussa Traoré. Et sa propre fille rêve déjà d’être demain ministre comme sa maman. C’est donc une famille prédestinée qui s’intéresse et participe de près à la vie politique du Mali. Directrice de campagne de l’actuel président Ibrahim Boubacar Keita, Rama (comme tous ici l’appellent affectueusement) est donc tombée dans le chaudron de la politique dès sa plus tendre enfance… Entretien.
D’où vous vient cette passion pour la politique ?
J’ai été nommée ministre en 2013 dans le premier gouvernement de Moussa Mara, mais cette passion m’a été en réalité transmise par ma mère qui fut ministre de 1988 à 1991. Je m’enorgueillis de rappeler qu’elle fut la première femme au Mali à assurer l’intérim du président de la République et fut même chef de l’Etat en 1989 pendant 48 h ! Cette petite anecdote familiale pour vous dire que je tiens cette passion politique de ma mère. Parmi mes quatre enfants, j’ai d’ailleurs une seule fille, qui porte le même prénom qu’elle, Lala, et qui a déjà la même ambition à 12 ans.
Mais vous avez déjà eu aussi une belle carrière dans le privé…
J’ai eu en effet une autre vie dans le privé, où j’ai eu le bonheur d’organiser pas mal d’événements en ma qualité de directrice de l’agence de communication StarCom. Je vais vous dire : membre du gouvernement, c’est par définition pour une durée de vie limitée, mais moi je viens du secteur privé et, après la politique, le secteur privé sera toujours là.
Peut-on revenir sur votre formation ?
Après le lycée, je suis allée aux Etats-Unis, d’abord à Miami puis à l’Université Columbia de New York, où j’ai obtenu respectivement le bachelor puis le master. Après les Etats-Unis et mes études de Communication, j’ai suivi à Paris l’Ecole de guerre économique pour un diplôme d’ « intelligence économique ».
A part la politique, quelles sont vos autres passions ?
J’adore être une mère. C’est assurément ma plus grande passion. Malgré un emploi du temps chargé au quotidien, comme vous l’imaginez, j’y arrive et je fais toujours ma petite pause avec mes enfants : mon aîné Mohamed (qui passe le bac cette année) a 16 ans, ma fille Lala 12 ans, Ismaël 10 ans et Barack (qui est né à Miami dans la fièvre de l’élection de Barack Obama) 9 ans. Ils ont tous la double nationalité : malienne et américaine. Mais j’adore aussi mon rôle d’épouse car mon mari est mon plus grand atout.
C’est un bel hommage. Que fait-il ?
Il est analyste financier, mais a fait également la Sorbonne. Très brillant, il est sorti major de sa promotion. Il a longtemps travaillé chez Malitel, premier opérateur de téléphonie, dont il a été le dernier PDG jusqu’à la privatisation de la société qu’il a menée à bien. C’est vraiment mon atout maître : il a toujours été à mes côtés et je ne prends jamais de grandes décisions sans lui demander son avis. Son accompagnement ne m’a jamais fait défaut. C’est lui qui m’a toujours poussée, même quand le moral n’était pas forcément au zénith. Il me rappelle toujours que je n’ai pas le droit de sombrer, pas le droit d’échouer… Ma mère n’a pas échoué. Or j’ai repris la chandelle et il ne faudrait pas que je la laisse tomber.
Et à la maison, quels sont vos violons d’Ingre ?
J’adore la cuisine, c’est mon péché mignon. Ma meilleure recette, c’est le Thieboudienne, le riz gras au poisson (le plat national du Sénégal), mais j’aime bien aussi faire de la cuisine française ou mitonner de bons petits plats italiens : la carbonora, les scampi et tutti quanti. Une passion que j’ai transmise à ma fille qui est ma co-équipière en cuisine. On essaie de s’y mettre ensemble au moins une fois par mois en faisant les courses puis en expérimentant de nouvelles recettes… J’aime bien aussi la lecture et il y a chaque jour une lecture incontournable : celle que je fais à mes enfants le soir. C’est notre petit moment à nous.
Faîtes-vous un peu de sport ?
Tous les jours devant ma télé : j’ai mon tapis de marche qui défile sous mes pieds et me permet de me maintenir en forme en regardant le journal télévisé que je m’impose tous les soirs de 20 h à 20 h 30. Je n’ai pas le temps d’en faire plus. C’est mon seul sport, mais je pratiquais auparavant beaucoup la natation, ce qui m’a aidé à rester telle que je suis après quatre maternités. Pas de ventre, c’est le secret de la natation. (Eclats de rire !)
Venons-en au l’important programme culturel que vous relancez. Quels sont les prochains rendez-vous?
Nous avions placé l’année 2016 sous le sceau de la renaissance culturelle car c’est pour nous le plus grand défi. Comme vous le savez, la plus grande richesse du Mali, c’est sa culture, Ce programme de renaissance a commencé avec la Biennale de la photographie, relancée en décembre 2015 et dont la 11ème édition se déroulera du 2 décembre prochain au 31 janvier 2018 à Bamako (www.rencontres-bamako.com). En mars 2017, ce fut la renaissance de la Biennale artistique et culturelle, un grand rendez-vous attendu par tous les Maliens. Après le « Triangle du balafon », qui s’est déroulé du 9 au 11 février à Sikasso et le « Festival sur le fleuve » Niger à la fin janvier. Le « Festival au désert », itinérant à partir de Tombouctou, etc. Tous ces événements avaient été interrompus par la crise et par la guerre.
C’est donc une véritable stratégie de reconquête ?
Le but, c’est de « parler du Mali autrement » grâce à tous ces événements qui renaissent. C’est le rôle attribué à mon ministère et à la Culture (avec un grand C) en général. Je veux refaire de la Culture la vitrine du Mali. Après la crise, la reconstruction des mausolées de Tombouctou a constitué notre plus grand succès. Ce fut un exemple fabuleux de solidarité internationale. Jamais une chaîne de solidarité autour de la reconstruction d’un patrimoine culturel n’avait recueilli autant d’échos grâce à l’Unesco, à de nombreux partenaires et surtout à tous les amis du Mali.
Vous avez encore bien d’autres projets ?
Notre plus grand projet, c’est « Tombouctou renaissance » (www.timbukturenaissance.org), un nom marketing donné pour faire revivre toute la culture malienne : le retour de la musique comme des festivals. C’est aussi le projet de construction d’une Université à Tombouctou. Il était important de trouver des partenaires, que chacun pense que c’était de son devoir de participer à la renaissance culturelle du Mali. Nous lançons la construction du Grand Théâtre de Bamako, dont les travaux dureront 18 mois. C’est notre projet phare.
Quelques exemples de votre action à la tête de ce ministère dont vous êtes si fière ?
Nous avons su relever beaucoup de défis, mais je vous donne deux exemples : le fonds d’appui au cinéma, que nous attendions depuis 18 ans et qui vient d’être adopté par le gouvernement, sera doté au départ d’une enveloppe de 5 milliards de francs CFA, renouvelable. Et une loi sur la question des droits d’auteur, que nous attendions depuis 20 ans, a été adoptée. Je suis donc une ministre comblée !
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