Ahoua Don Mello, candidat indépendant à l’élection présidentielle ivoirienne de 2025 : « Je porte une cause, celle de l’alternance »

Ahoua Don Mello, candidat indépendant à l’élection présidentielle ivoirienne de 2025 : « Je porte une cause, celle de l’alternance »

Ahoua Don Mello, candidat indépendant à l’élection présidentielle ivoirienne de 2025


Ancien ministre de Laurent Gbagbo et figure technocratique ivoirienne, Ahoua Don Mello incarne une candidature singulière dans la présidentielle du 25 octobre 2025. Validé par le Conseil constitutionnel mais désavoué par son parti, le PPA-CI, il se présente en « rempart » contre un quatrième mandat d’Alassane Ouattara. Entre fidélité à son mentor et ambition de rassemblement, il répond à nos questions pour éclairer les fondements de sa démarche et son projet pour la Côte d’Ivoire.

Entretien réalisé par Clément YAO

Une candidature dissidente : entre fidélité et rupture

Votre candidature, bien que validée, est perçue comme un « plan B » par votre ancien parti, le PPA-CI, qui vous a démis de vos fonctions. Sur quelle légitimité politique fondez-vous votre campagne : celle d’un héritier de Laurent Gbagbo, ou celle d’un candidat indépendant porteur d’un nouveau projet ?

Ma légitimité est double, et c’est précisément ce qui fait sa force. D’un côté, oui, je suis l’héritier des idées de souveraineté et de dignité que partage une partie importante de l’électorat ivoirien. Cet héritage politique, je l’assume pleinement. Mais de l’autre côté, je suis un candidat indépendant qui porte une feuille de route opérationnelle précise : les 42 opérations du programme de Gouvernance. Ce qui me guide, c’est un mandat programmatique, pas une simple fidélité partisane. Je porte des engagements mesurables : la loi sur le contenu local, la création d’une banque de développement, le PREFI qui va former et insérer 200 000 jeunes en 5 ans, notre plan « 1 district = 1 zone industrielle ». Toutes ces actions sont décrites et chiffrées dans ADM-42. C’est concret, c’est vérifiable, c’est opérationnel.

Vous justifiez votre démarche par la nécessité d’éviter « la politique de la chaise vide ». Pourquoi avoir choisi de vous affranchir de la ligne de votre parti plutôt que de soutenir un autre candidat de l’opposition ?

La question ce n’est pas une simple addition de candidatures ou un positionnement tactique. L’enjeu, c’est la mise en œuvre d’un projet national précis. Rester dans la logique de la « chaise vide » ou m’aligner sur une candidature qui ne porte pas un véritable plan de transformation structurelle aurait laissé l’électorat sans offre opérationnelle. L’abstention ou le soutien tactique à un candidat sans programme réel, vous savez ce que ça donne ? Ça cède le terrain au pouvoir en place. ADM-42 fixe des priorités non négociables : l’audit citoyen du fichier électoral, la transformation industrielle, les banques publiques d’investissement. Ces mesures exigent qu’un candidat les porte publiquement et en assume la mise en œuvre. J’ai choisi la voie qui garantit que ces réformes seront portées et appliquées.

Vous avez dénoncé avec véhémence l’exclusion de Laurent Gbagbo des listes électorales. Si vous êtes élu, quelles réformes structurelles de l’appareil électoral et des institutions comptez-vous porter pour garantir une compétition démocratique apaisée et incontestable ?

Laissez-moi vous donner quatre réformes concrètes avec un calendrier précis. Premièrement, l’audit citoyen du fichier électoral. Un audit complet, biométrie, logs d’inscription, tout, mené dans les six mois précédant toute élection future. Cet audit sera conduit par une commission tripartite : État, société civile et observateurs africains. 

Deuxièmement, la refonte de la Commission Électorale. Nous créerons une CEI paritaire et décentralisée avec une représentation équilibrée entre l’État, l’opposition et la société civile. Cette réforme sera adoptée par loi dans les douze premiers mois.

Troisièmement, une Cour constitutionnelle véritablement indépendante. Nous réformerons le mode de nomination des juges avec une procédure transparente, des quotas non politiques et une limitation stricte des mandats. Cette réforme législative sera engagée dès la première année.

Quatrièmement, nous créerons un Observatoire permanent de transparence électorale. Une plateforme publique de suivi en temps réel des opérations électorales avec des données ouvertes, à déployer avant toute élection locale et nationale. Et pour garantir la mise en œuvre ? Ces réformes seront inscrites dans un contrat de gouvernance validé par le Parlement et la société civile, avec un calendrier précis et des audits externes annuels.

Votre base électorale naturelle semble être l’électorat pro-Gbagbo. Comment comptez-vous séduire au-delà de ce cercle, notamment les déçus du régime Ouattara et les Ivoiriens lassés des clivages traditionnels ?

En touchant les gens là où ça compte vraiment : dans leur vie quotidienne. Notre stratégie repose sur trois piliers. D’abord, des priorités socio-économiques immédiates. Dans les douze premiers mois, nous lancerons le PREFI pour 40 000 jeunes par an, un fonds d’amorçage jeunesse de 100 milliards de FCFA et le premier paquet d’infrastructures régionales avec des Zones Économiques Spéciales pilotes dans quatre districts. Ces mesures touchent directement l’emploi, les services, les opportunités.

Ensuite, la justice et la transparence. Des audits publics des contrats, la digitalisation des marchés publics, des mesures anticorruptions fortes avec un tribunal spécialisé et l’obligation de déclaration de patrimoine. On restaure la confiance par les actes.

Enfin, le dialogue national. Une concertation large avec la jeunesse, la société civile, les acteurs économiques, et un plan de réparation et de conciliation pour apaiser les tensions. L’objectif ? Transformer un électorat de loyautés en un électorat d’intérêts. Quand les gens verront des résultats rapides, des emplois créés, des crédits accessibles, des infrastructures construites, et une gouvernance plus responsable, ils suivront.

Economie et croissance 

Dans votre vision économique pour la Côte d'Ivoire, quelles seront vos trois priorités principales pour stimuler la croissance et l'emploi ?

Trois priorités opérationnelles, chiffrées et réalistes. La première, c’est la souveraineté productive et la transformation locale. Nous imposerons l’obligation progressive de transformation : notre objectif, c’est 50% de transformation du cacao d’ici 2030. Et nous déploierons des Zones Économiques Spéciales agro-industrielles, avec quatre régions pilotes dès la première phase.

La deuxième priorité, c’est la création d’une vraie banque de développement. Une Banque Nationale d’Investissement Industriel capitalisée à 500 milliards de FCFA pour cofinancer les filières stratégiques, les PME industrielles et les ZES pendant 5 à 10 ans.

La troisième, c’est l’emploi par les infrastructures productives. Un programme national d’infrastructures ciblées : routes rurales, mini-centrales solaires, irrigation. L’objectif chiffré : créer 100 000 emplois industriels qualifiés en 5 ans.

Comment comptez-vous réduire la dépendance de la Côte d'Ivoire aux exportations de matières premières, notamment le cacao ?

Nous avons trois leviers principaux. D’abord, une Caisse de stabilisation agricole avec un capital initial public-privé pour atténuer la volatilité des prix. Le financement viendra partiellement des redevances minières et d’une taxe sur les exportations non transformées.

Ensuite, un objectif obligatoire : atteindre 50% de transformation locale de notre production nationale de cacao d’ici 2030. Comment ? Avec des quotas progressifs, des incitations fiscales pour les entreprises locales et des pénalités pour celles qui n’investissent pas dans la transformation.

Enfin, nous créerons un label « Cacao Ivoirien » avec un système de traçabilité numérique pour ouvrir les marchés premium et réduire les risques liés aux restrictions internationales, comme les normes européennes. Le contexte est clair : nous avons exporté environ 3,3 à 3,7 milliards de dollars de fèves en 2023. Si nous capturons ne serait-ce qu’une part supplémentaire de la valeur ajoutée, ce sont des centaines de millions de dollars de recettes additionnelles qui resteront dans le pays.

Quelles mesures concrètes proposez-vous pour attirer les investissements étrangers et développer l'industrialisation du pays ?

Nous créerons un nouveau cadre, équilibré et gagnant-gagnant. Premièrement, des Zones Économiques Souveraines où la participation ivoirienne majoritaire est encouragée, avec des obligations de transfert de technologie et d’emploi local.

Deuxièmement, une renégociation contractuelle sélective. Dans les six premiers mois, nous auditerons les grands contrats et nous renégocierons pour obtenir des clauses de contenu local minimum. Notre objectif initial : au moins 25% de valeur locale et des transferts technologiques obligatoires.

Troisièmement, des incitations fiscales conditionnelles : crédits d’impôt temporaires, garanties publiques pour le cofinancement, facilités d’infrastructures pour les investisseurs qui respectent les clauses de contenu local.

Quelles réformes envisagez-vous pour faciliter la création et le développement des entreprises ivoiriennes, en particulier pour les jeunes entrepreneurs ?

Trois réformes majeures. Un, un guichet unique digital pour créer une entreprise en 48 heures maximum. Simplification des procédures et suppression totale des paiements informels.

Deux, un Fonds national d’amorçage de 100 milliards de FCFA en capital initial pour des prêts à taux de 2 à 3% avec garanties. Le tout couplé à de l’incubation et du mentorat reliés aux ZES et aux technopoles. Trois, la préférence productive : obligation de sous-traitance locale de 25 à 35% dans les marchés publics et les grands projets.

Comment comptez-vous moderniser le système bancaire et améliorer l'accès au crédit pour les PME ?

Trois mesures concrètes. D’abord, un registre national de crédit centralisé pour réduire les asymétries d’information et faciliter la notation des PME. Ensuite, un fonds de garantie publique couvrant 60 à 80% des prêts aux PME innovantes et aux jeunes entrepreneurs. Gestion conjointe entre la Banque de Développement et les banques commerciales. Enfin, un appui aux coopératives et à la microfinance régionale : des subventions initiales pour capitaliser les mutuelles. Notre objectif : renforcer 200 mutuelles en 3 ans.

Emploi, formation et politique sociale

Face au chômage des jeunes, quel plan de formation et d'insertion professionnelle proposez-vous ?

Le PREFI, c’est notre réponse structurelle. Une formation professionnelle certifiante pour 200 000 jeunes en 5 ans, soit 40 000 par an, via des centres régionaux reliés aux Zones Économiques Spéciales. Chaque diplômé signera un contrat d’apprentissage ou bénéficiera d’un accompagnement entrepreneurial. Nous mettrons aussi en place un mécanisme de stagiaires rémunérés : une subvention salariale pour les 6 à 12 premiers mois en entreprise, pour inciter à l’embauche.

Et nous créerons un Service civique national optionnel de 6 à 12 mois pour les jeunes en zones vulnérables. Formation technique plus mission d’utilité publique, avec priorité d’embauche locale à la sortie.

Quelles seront vos priorités en matière de protection sociale, notamment pour les populations les plus vulnérables ?

Trois priorités avec un calendrier. Premièrement, l’extension progressive de la CMU aux travailleurs informels via un système contributif flexible. Phase pilote sur 12 à 24 mois, puis extension sur 3 à 5 ans. Deuxièmement, un Fonds national de sécurité alimentaire et eau avec une dotation initiale et des programmes d’urgence. Notre cible : assurer la couverture alimentaire pour 200 000 ménages vulnérables en 3 ans. Troisièmement, une allocation sociale minimale ciblée pour les familles rurales vulnérables. On commence avec un pilote pour 50 000 familles, puis on étend selon les résultats.

Comment comptez-vous réduire les inégalités territoriales et sociales ? 

Par trois mécanismes principaux. D’abord, notre plan « 1 district = 1 zone industrielle ». Déploiement dans 30 districts prioritaires. La phase 1, ce sont 4 pilotes sur les 24 premiers mois. Ensuite, 30% d’investissement public régionalisé. Nous reprogrammerons le mécanisme budgétaire pour consacrer au moins 30% du budget d’investissement aux collectivités locales et aux projets régionaux.

Enfin, nous créerons des Conseils régionaux de développement avec participation citoyenne et allocations conditionnelles liées aux indicateurs de pauvreté.

Gouvernance

Quels mécanismes allez-vous mettre en place pour lutter contre la corruption et améliorer la transparence dans la gestion des ressources publiques ?

Quatre mesures fortes, non négociables. Premièrement, la déclaration publique et contrôlée du patrimoine pour le Président, les ministres, les DG et les PCA. Sanctions automatiques pour les fausses déclarations. Deuxièmement, nous créerons un Commissariat général à la probité publique et un Tribunal spécial anticorruption. Investigations, poursuites, confiscation des biens mal acquis.

Troisièmement, la digitalisation intégrale des marchés publics, l’e-procurement, avec publication obligatoire des contrats et des versements en temps réel. Quatrièmement, interdiction explicite pour les dirigeants de sociétés publiques, PCA et DG, de financer des campagnes politiques. Les sanctions ? Révocation, confiscation des fonds et poursuites pénales.

Comment envisagez-vous la décentralisation et le renforcement des pouvoirs locaux ?

Une vraie décentralisation, pas du théâtre. D’abord, le transfert effectif de 30% du budget d’investissement aux collectivités locales. Mécanisme conditionnel sur 5 ans, avec clauses de reddition et audits annuels. Ensuite, l’organisation d’élections régionales autonomes et le transfert de compétences réelles sur l’éducation technique, la petite industrie locale et l’agriculture. Enfin, un Fonds d’investissement local participatif, une plateforme de cofinancement public-privé pour les projets locaux prioritaires.

Politique internationale et défis sécuritaires

Quelle sera votre approche pour maintenir la stabilité de votre pays et gérer les tensions sous-régionales dans un contexte de l’expansion du terrorisme aux pays côtiers ?

Une stratégie opérationnelle en trois axes. Premièrement, la Garde Territoriale Rurale. Recrutement et formation de jeunes locaux, pilotage sur 12 à 24 mois, pour la surveillance des frontières, la prévention et la création d’emplois locaux. Deuxièmement, la coordination régionale et le renseignement. Nous créerons un Conseil National de Sécurité Souveraine pour coordonner l’armée, le renseignement et la protection civile. Et nous signerons des accords bilatéraux de partage de renseignement dans la sous-région.

Troisièmement, des programmes d’emploi territorialisés dans les zones à risque. L’objectif : réduire de 15 points en 5 ans le taux de recrutement local par les groupes armés via l’insertion et la formation.

Quelle sera votre stratégie diplomatique, notamment vis-à-vis des partenaires occidentaux et africains ?

Une diplomatie de réciprocité, claire et assumée. Avec les Occidentaux : audits publics des principaux contrats dans les six premiers mois, renégociation pour des clauses de contenu local d’au moins 25% en phase initiale. Priorité africaine : renforcer les alliances africaines, la ZLECAf, l’AES, pour des négociations collectives sur les marchés et les investissements. Diversification : des partenariats multipolaires, oui, mais soumis à des clauses de transfert technologique, d’emploi local et de respect de la souveraineté.

Comment comptez-vous repositionner la Côte d'Ivoire dans les dynamiques économiques régionales et continentales ?

Par des actions concrètes. D’abord, des ZES transfrontalières et des corridors logistiques, Abidjan-Ouagadougou-Bamako-Niamey, pour développer des chaînes de valeur régionale en agro-industrie et logistique. Ensuite, une Banque africaine d’investissement et un fonds de coopération pour faciliter les financements intra-africains et les projets de transformation régionale. Nos objectifs chiffrés : accroître le contenu local du PIB de 10 à 15 points sur le long terme et créer 100 000 emplois industriels qualifiés en 5 ans.

Transition écologique 

Quels sont vos objectifs en matière de transition énergétique et de développement durable ?

Des objectifs précis et mesurables. 60% d’énergies renouvelables dans le mix national d’ici 2035. Nous adoptons une loi de programmation énergétique pour y arriver. Le programme « Toit solaire pour tous » : une subvention initiale pour 100 000 toits solaires domestiques et scolaires en 5 ans, plus des mini-centrales rurales pour chaque district. Et nous créons un Fonds national pour la transition écologique, avec un capital initial financé par les redevances, pour financer les projets communaux verts.

Comment comptez-vous concilier développement économique et préservation de l'environnement ? 

Par des mesures concrètes et équilibrées. Le reboisement industriel : un plan de 200 millions d’arbres en 5 ans avec des emplois verts pour les jeunes. L’interdiction progressive du plastique à usage unique avec des plans de substitution et un soutien industriel local aux alternatives biodégradables. Et la traçabilité des chaînes d’approvisionnement, notamment pour le cacao, pour respecter les normes internationales sans sacrifier l’accès au marché. Avec un appui technique aux producteurs.

Un message final aux Ivoiriens pour conclure

Ivoiriens, je vous propose un choix clair. Nous pouvons continuer avec une croissance qui laisse des millions de personnes sur le côté. Ou nous pouvons choisir la souveraineté productive, la justice sociale et la transparence. Le programme de Gouvernance : 42 Opérations, c’est une feuille de route concrète. Transformation industrielle, emplois pour la jeunesse, services publics décentralisés, lutte sans pitié contre la corruption et une diplomatie qui défend vraiment nos intérêts. Je veux que chaque franc public ait un visage et un résultat mesurable. Ensemble, reprenons notre destin en main. Le changement est possible si nous avons le courage de nos ambitions.

Clément Yao

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