Retard de l’Afrique : Moïse Kérékou met en cause l’UA et les dirigeants du continent
L’ancien ambassadeur du Bénin en Turquie, Moïse Tchando Kérékou, a fait un diagnostic profond du retard de l’Afrique et proposer un éventail de solutions publiés dans deux ouvrages qu’il a présentés aux médias le vendredi 27 janvier dernier à l’Espace Van Gogh à Paris.
Par Clément Yao
Les vices du système démocratique imposé aux Africains
Paris constituait la première étape d’une tournée mondiale de présentation de ses deux livres, « L’Union Africaine et processus d’intégration » édité en 2011 chez L’Harmattan et « Le manifeste de la relève » paru aux éditions Fitila en 2016, qui conduira l’auteur en Europe, en Afrique et aux Etats-Unis. Devant les médias parisiens venus nombreux l’écouter sur le thème : « Qu’est-ce qui retarde le développement de l’Afrique en général et du Bénin en particulier », le jeune chercheur et spécialiste des questions africaines, n’a pas usé de la langue de bois pour exprimer ses idées et sa thèse développée dans ses deux ouvrages. Le conférencier part du constat que l’Afrique est partie sur de mauvaises bases. Selon Moïse Kérékou, le fondement des Nations du continent est fragilisé par le découpage presque hasardeux des territoires par les anciennes puissances coloniales qui n’ont pas tenu compte des pesanteurs anthropologiques et sociologiques. Au nombre des handicaps relevés, il cite la question identitaire et les vices du système démocratique imposé, à l’origine des crises institutionnelles et des instabilités chroniques. Ce lourd héritage du passé aurait formaté l’homme africain à demeurer dans une « pauvreté mentale » et un « sous-développement mental ». La pauvreté est, selon l’auteur, le premier ennemi du continent. Pour lui, les Africains ne devraient pas continuer à s’apitoyer sur leur triste passé.
« La révolution silencieuse » selon Moïse Kérékou
L’Afrique devrait faire sa révolution en s’appuyant sur ses richesses naturelles et son capital humain. Pour sortir de cette situation de désenchantement, Moïse Kérékou propose « la révolution silencieuse ». Un concept qui serait une sorte de thérapie profonde qui permettrait à l’homme africain de guérir de ses blessures du passé et de rebondir dans l’histoire contemporaine en prenant toute sa place dans le concert des continents. Autrement dit, une Afrique qui parlera et discutera, sans complexe, d’égal à égal avec l’Europe, l’Amérique et l’Asie. Selon les explications données par le confé- rencier, Cette « révolution silencieuse » se fera par un long travail psychologique, d’éducation et de formation. Moïse Tchando Kérékou va même plus loin dans sa réflexion. Il remet en cause l’éducation occidentale parce que celle-ci ne serait pas adaptée aux besoins du continent. Il conseille que l’Afrique conçoive son propre système éducatif plus compatible à ses réalités. « La révolution silencieuse » aux dires de Moïse Tchando Kérékou, se fera aussi avec l’avènement d’une nouvelle classe politique et d’une nouvelle génération de leaders politiques pour assurer la relève. Ce passage de flambeau entre ancienne génération habituée aux turpitudes sous les tropiques et une nouvelle génération plus vertueuse et visionnaire permettra de mettre fin aux dérives du pouvoir et d’épouser une forme de démocratie et de bonne gouvernance acceptable par tous. Le conférencier s’est aussi appesanti sur l’Union Africaine (UA) qu’il qualifie d’organisation quelque peu anachronique. Son incapacité à répondre aux défis démocratiques, économiques, démographiques et sécuritaires, a fait dire au conférencier qu’elle doit être repensée. Pour Moïse Kérékou, l’UA était vouée à l’échec dès sa création parce qu’elle n’a pas été conçue sur « une maquette de construction ». Même si aujourd’hui les dirigeants des 54 Etats ont décidé d’engager des réformes pour lui donner une autonomie financière, mais il reste que cette « révolution silencieuse » ne peut être possible que si seulement si chacun des 54 Etats fait un effort sur lui-même de devenir un bon élève en matière de démocratie, de bonne gouvernance et de respect des droits de l’homme.
La « béninoiserie » facteur de blocage du développement
Profitant de cette tribune, Moïse Tchando Kérékou, n’a pas manqué de dire quelques mots sur son pays. Il regrette que le Bénin considéré jadis comme le quartier Latin de l’Afrique de l’Ouest, un pays pétri d’intelligences, n’ait pas réussi à se hisser au rang des premiers dans la région. Il regrette qu’au plan économique par exemple son pays n’ait jamais atteint la croissance à deux chiffres alors qu’il possède des atouts à valoir. Le conférencier justifie cette fâcheuse situation par ce qu’il appelle « la béninoiserie » présentée comme l’ensemble des entraves comportementales et sociétales qui bloque toute évolution. Il recommande donc que l’intelligence et le génie du peuple béninois soient désormais mis au service du développement et de la Nation.