Présidentielle en Guinée-Bissau, João Bernardo Vieira, le favori qui incarne le changement : "Un pays stable est un pays où le soldat protège la Constitution et le juge protège le citoyen."
João Bernardo Vieira, le candidat indépendant qui incarne le changement
Pour la présidentielle du 23 novembre 2025, douze candidats sont en lice. Parmi eux, João Bernardo Vieira incarne la promesse d'un renouveau. Cet indépendant, à la légitimité historique, bouscule l'échiquier politique avec un discours fédérateur. Cette élection s'annonce comme un tournant décisif entre la continuité et sa volonté de rupture pacifique. Entretien exclusif avec l’homme qui veut réconcilier la Guinée-Bissau avec son destin.
Entretien réalisé par Clément Yao
Vous incarnez « le changement », disent les observateurs, tout en vous présentant comme l’héritier de votre oncle, l’ancien président Nino Vieira. Comment votre héritage familial vous distingue-t-il concrètement du président sortant, Umaro Sissoco Embaló ?
João Bernardo Vieira - Mon oncle, Nino Vieira, symbolisait la lutte pour l’indépendance, la dignité nationale et le courage politique. Cet héritage n’est pas un simple souvenir : c’est une responsabilité. La différence entre le président Embaló et moi tient à notre conception du pouvoir. Là où l’actuel pouvoir s’est souvent enfermé dans la verticalité, je crois à la force du dialogue, à la proximité avec le peuple, et à la continuité d’une vision : celle d’une Guinée-Bissau libre, souveraine et prospère. L’héritage de Nino Vieira, c’est la sagesse, avancer avec prudence, mais avec détermination. C’est cette philosophie que j’apporte au changement : un changement enraciné dans la mémoire, mais tourné vers l’avenir.
Votre lien avec le PAIGC, le parti fondateur de la nation, suscite des débats. Certains ont parlé d’un départ, d’autres d’une stratégie d’indépendance. Quelle est la réalité ?
Le PAIGC, c’est mon parti d’hier, d’aujourd’hui et de demain. C’est le parti de mes grands-parents, de mes parents, de nos martyrs et de nos héros. Je n’ai jamais quitté, ni trahi le PAIGC. Mais j’ai pris une décision difficile et stratégique : me présenter comme candidat indépendant, non pas contre le parti, mais pour le sauver.
Les circonstances politiques du moment ont rendu nécessaire un plan B — une voie de rassemblement au-dessus des tensions internes, pour défendre l’esprit du PAIGC originel : servir le peuple avant tout. Je suis et je resterai un homme du PAIGC, mais avant tout, je suis un homme de la Guinée-Bissau.
En tant que candidat indépendant mais issu d’une grande famille politique, comment envisagez-vous de construire une base parlementaire solide pour gouverner ?
La gouvernance moderne ne repose plus uniquement sur les structures partisanes. Elle se fonde sur des coalitions d’idées, de compétences et de convictions. Je bâtis déjà une alliance large : partis réformateurs, acteurs de la société civile, personnalités indépendantes et jeunes leaders. Une fois élu, je proposerai un gouvernement d’union nationale qui représentera cette diversité. Nous travaillerons sur des réformes consensuelles et des projets concrets, où la loyauté envers la nation primera toujours sur la discipline de parti.
Vous déclarez vouloir être « le président de tous les Bissau-Guinéens ». Comment comptez-vous concilier cette ambition avec les divisions politiques et sociales du pays ?
La réconciliation ne se décrète pas, elle se construit. Je proposerai, dans les six premiers mois de mon mandat, les États Généraux de la Réconciliation Nationale. Ils réuniront les leaders politiques, les chefs religieux, la jeunesse, la société civile et les anciens combattants pour écrire ensemble un Pacte Républicain pour la Stabilité.
Ce pacte scellera notre engagement commun : plus jamais la violence politique, plus jamais les divisions inutiles. La stabilité de demain dépendra de notre capacité à dialoguer aujourd’hui.
La Guinée-Bissau est riche mais reste pauvre. Quelle est la première réforme économique que vous mettrez en œuvre ?
La première mesure sera la création d’une Caisse de stabilisation des prix de la noix de cajou, pour protéger nos producteurs contre les fluctuations du marché international. Ensuite, je renégocierai les accords de pêche avec les flottes étrangères, afin que les redevances soient versées dans un Fonds souverain de développement. Ce fonds financera nos hôpitaux, nos écoles et nos routes. Nos ressources doivent enfin profiter à ceux qui les produisent.
Vous parlez souvent de la jeunesse et des femmes comme des piliers de votre projet. Quelles mesures concrètes prendrez-vous pour eux ?
Pour la jeunesse, je lancerai le programme « Premier Emploi », qui financera les cotisations sociales pendant deux ans pour toute entreprise embauchant un jeune de moins de 25 ans. Objectif : 50 000 emplois jeunes durant le mandat. Pour les femmes, j’instaurerai une loi sur la parité, fixant un minimum de 40 % de femmes sur les listes électorales et dans les postes de direction publique. Aucune nation ne peut progresser si la moitié de son peuple est laissée en marge.
Comment garantir la stabilité face à l’histoire des coups d’État en Guinée-Bissau ?
La stabilité passe par deux réformes clés : l’armée et la justice. Pour l’armée, nous allons la professionnaliser, clarifier sa mission et offrir des programmes de reconversion pour ses membres. Pour la justice, nous renforcerons la Cour Suprême et garantirons l’indépendance totale des magistrats par un système d’auditions publiques et de nominations transparentes. Un pays stable est un pays où le soldat protège la Constitution et le juge protège le citoyen.
À quoi ressemblera l’équipe qui vous entourera ?
Mon équipe sera composée de femmes et d’hommes compétents, patriotes et intègres. Des technocrates expérimentés, des entrepreneurs, des professeurs, des acteurs de la société civile, et oui, des membres de tous horizons politiques, y compris du PAIGC. Le talent n’a pas de parti. Seule compte la compétence au service du pays.
Vous promettez d’impliquer la diaspora dans le redressement national. Comment passerez-vous des mots aux actes ?
Je créerai une Agence nationale de la Diaspora, un guichet unique pour accompagner les investisseurs et porteurs de projets. Nous lancerons un « Bond de la Reconstruction nationale », un emprunt d’État réservé à la diaspora, pour financer les infrastructures du pays. Enfin, le programme « Retour au Pays » facilitera le relogement et la réinsertion professionnelle des familles qui souhaitent revenir avec un projet concret. La diaspora est une force. Elle doit redevenir une partie intégrante du destin national.
Vous dites souvent : « Nul ne peut arrêter la mer avec ses bras ». Quel message adressez-vous à la jeunesse ?
Je dis à la jeunesse : vous n’êtes pas une génération perdue, vous êtes une génération patiente. Votre patience a des limites, et je les entends. Je ne promets pas des miracles, mais un combat : celui de la dignité, de l’équité et de la justice. Votre diplôme doit valoir plus que votre nom, votre travail plus que votre relation. Croyez en votre pays, car la mer qui nous entoure ne nous enferme pas : elle nous relie au monde.
Votre mot de la fin ?
La Guinée-Bissau a souffert de ses divisions. Il est temps maintenant de récolter les fruits de notre unité. Le 23 novembre, nous choisirons entre la peur et l’espoir, entre le désordre et la construction. Je crois profondément que notre peuple est prêt à tourner la page pour écrire ensemble un nouveau chapitre : novo rumo ku força de povo
Clément Yao
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