UEMOA / Entrepreneuriat et croissance : La responsabilité des Etats pointée du doigt
Edem Koukou Tengué, président d'Emergence Capital, Young Leaders de la fondation AfricaFrance
La conférence internationale sur l’entrepreneuriat et la croissance organisée, les 7 et 8 décembre derniers à Lomé (Togo), par l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), Emergence Capital, Young Leaders de la fondation AfricaFrance et le Think Tank Club 2030 Afrique, a permis aux experts d’identifier les obstacles et de faire des recommandations aux Etats membres.
De notre evoyé spécial à Lomé, Clément Yao
L'entrepreneuriat pour booster le développement
Cette rencontre de haut niveau tenue à l’écart des agitations sociopolitiques qui secouent le Togo depuis quelques mois, a mobilisé du beau monde. Enfermés à l’hôtel Radisson Blue-2 Février, les participants venus de la France, de l’Europe et des pays de la zone UEMOA ont pu travailler dans la sérénité sur les quatre thèmes qui leur ont été soumis. Entre autres, « L’électrification rurale au Togo, quels modèles ? Facilitation de l’accès au financement pour les Jeunes entrepreneurs Togolais… L’intégration juridique au climat des affaires… Et l’attractivité de l’UEMOA pour les investissements directs à l'étranger. » L’on part de l’idée générale que dans l’histoire économique des pays, ce sont l’entrepreneuriat et le secteur privé qui apportent le développement. Or le constat que l’on fait de la situation actuelle dans la zone UEMOA, c’est que l’entrepreneuriat n’est pas véritablement au rendez-vous de la croissance en dépit de la forte démographie et de la forte population jeune. Pour les experts, les causes sont multiples. Outre le manque de financement, d’information et d’accompagnement évoqué, la formation demeure au centre de toutes les préoccupations.
Les efforts du gouvernement togolais
La ministre togolaise du Développement à la base, de l’Artisanat, de la Jeunesse et de l’Emploi des jeunes, Mme Victoire S. Tomegah-Dogbé, a exposé les efforts entrepris par le gouvernement depuis 2006 pour baisser le taux de chômage grâce à la mise en place de batteries de mesures très actives pour renforcer l’employabilité des jeunes volontaires. Dans les détails, la ministre a indiqué qu’« Il existe dans mon ministère plusieurs projets et programmes qui mettent l’accent sur le volet de la formation. Pour vous citer un exemple, sur les 700 millions de francs CFA de subvention alloués chaque année au Fonds d’appui aux initiatives économiques des jeunes, les 60 % sont consacrés à la formation. C’est également la même proportion qui est accordée au Programme d’accompagnement des jeunes dans l’entrepreneuriat et la création d’emplois bénéficiant de 7 milliards de francs d’appui financier de la Banque ouest-africaine de dé- veloppement (BOAD) sur trois années. » Elle a également expliqué que « de manière générale, parmi les différents programmes et projets mis en place par le gouvernement, la formation demeure la priorité des priorités. Nous sommes convaincus d’une chose, lorsque le jeune est bien formé et informé, les banques et les partenaires au développement lui font confiance. En deux ans, un peu plus de 15 000 jeunes issus en majorité du secteur artisanal ont été formés par le biais de ces structures. Près du tiers d’entre eux ont bénéficié de financement. A ce sujet, deux grandes banques de la place accordent des financements à un taux d’intérêt de 4,5 % et il existe aussi des financements par des microfinances. Notre rôle en tant que ministère de tutelle est d’atténuer les risques de non remboursement. Je peux vous assurer que grâce à la formation et à l’accompagnement des jeunes, le taux de remboursement a nettement baissé jusqu’à 75 voire 80 %. »
Les échecs à l'entrepreneuriat sont liés au manque de formation
Le directeur de l’Agence française de développement (AFD) en poste au Togo, M. Benoît Lebeurre, ne contredira pas les propos de la ministre. Selon lui, « l’AFD est extrêmement sensible à l’éducation. La formation professionnelle demeure pour nous un extraordinaire levier pour offrir aux entreprises et au secteur privé des personnes bien formées et compé- tentes. Nous avons envie de voir les entreprises se mobiliser et s’investir dans la formation. Ce n’est pas que la responsabilité d’un Etat mais la responsabilité d’un partenariat entre les entreprises et les Etats pour répondre au mieux au besoin de l’économie. » Même si les experts sont tous unanimes que la formation est déterminante dans les straté- gies entrepreneuriales à mettre en place par les Etats, les panélistes s’accordent à dire que l’accès au financement, le nerf de la guerre, est la clef de voûte pour sortir de l’ornière.
C’est la réflexion conduite par le vice-président du Think Tank, Club 2030 Afrique sur le cas du Togo. Pour Ousmane Bello « L’accès au financement est relativement difficile pour les jeunes entreprises togolaises car ces dernières ne remplissent que très rarement les conditions nécessaires. Il est donc primordial de revoir les bases afin de permettre aux startups d’arriver dans les meilleures conditions lorsqu’elles sollicitent un financement. » Quant au Représentant résident du FMI au Togo, M. Sampawende Jules Tapsoba qui est intervenu dans le panel sur « les perspectives économiques de l’Afrique et le rôle de l’entrepreneuriat », il n’a pas caché son admiration pour l’initiative d’Emergence Capital et Club 2030 Afrique d’inciter les jeunes de la zone UEMOA à réfléchir ensemble pour proposer des solutions à leurs préoccupations aux dirigeants. « Lorsque vous regardez l’histoire économique des pays, explique-t-il, c’est l’entrepreneuriat et le secteur privé qui amènent les pays à se développer. » Il a également fait savoir que le rôle du FMI en tant qu’institution financière ne se limite pas qu’à prêter de l’argent aux Etats. « Le FMI travaille certes avec les Etats et nos prérogatives semblent lointaines de l’entrepreneuriat, mais en réalité, lorsque nous demandons aux Etats une bonne gouvernance, une bonne finance publique et un cadre macroéconomique sain, le but est de mobiliser plus de ressources pour le secteur privé. Dans la même veine, lorsque nous apportons notre soutien aux banques, c’est pour permettre au secteur privé de croitre et de mieux partager le fruit de la croissance. Vous convenez avec moi qu’on ne partage la richesse que lorsqu’on l’a créée », a-t-il conclu. Les deux jours de travaux ont été sanctionnés par une pile de recommandations adressées aux dirigeants des Etats membres de la zone UEMOA. Après le succès de la première édition de cette rencontre du genre, les organisateurs dont l’UEMOA, Emergence Capital, Young Leaders de la fondation AfricaFrance, dirigée par Edem TENGUE et le Think Tank Club 2030 Afrique présidé par Khaled Igué, ont promis de renouveler ce rendez-vous de réflexion des jeunes leaders de l’UEMOA.
Article paru dans Diasporas News N°92 de Janvier 2018
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