Sarkozy au Forum de Dakhla : Les dessous d'une interview surprise
Vedette américaine de la 4ème édition du Forum Crans Montana, qui s'est ouvert vendredi 16 mars à Dakhla sous le parrainage du roi du Maroc, Nicolas Sarkozy s'est prêté au jeu d'une interview en direct devant le millier d'invités présents lors de la séance d'ouverture du Forum. Très en forme, l'ancien président français en a profité pour corriger la mauvaise impression laissée en Afrique par son fameux discours de Dakar. Petite histoire d'un véritable scoop.
De notre envoyé spécial à Dakhla, Bruno Fanucchi
« Le secret avait été bien gardé jusqu'au bout. Des rumeurs circulaient bien depuis quelques jours sur l'éventuelle venue de Nicolas Sarkozy à Dakhla, mais elle n'étaient guère crédibles puisque le président français se trouvait alors à Moscou… En réalité, cette interview exclusive était préparée de longue date dans le plus grand secret », nous confie la rédactrice-en-chef de Radio 2M, Fathia El Aouni Cheddad, encore toute fière d'avoir réussi ce joli coup et mené à bien jusqu'au bout cette interview plus que décoiffante.
Menée comme un véritable show médiatique, cette interview surprise de plus d'une bonne demie heure fut incontestablement le moment fort de la séance d'ouverture du Forum de Dakhla consacré cette année au développement de la coopération Sud-Sud. D'autant plus que l'ancien chef de l'Etat, qui ne cache pas son « attachement à Sa Majesté Mohamed VI » et son « admiration pour la culture et l'histoire » du Maroc, n'aura pas été avare de petites phrases lourdes de sens et qui auront fait chaud au cœur de tous les Marocains.
Au regard de ce qu'a connu le monde arabo-musulman depuis quinze ans, « ce qu'est en train de réaliser le Maroc est unique », souligne d'emblée Nicolas Sarkozy qui pose franchement la question : « Quel autre pays se targuer d'avoir incarné la stabilité, l'ouverture et la modernité depuis ce que l'on a appelé le « Printemps arabe » ?
"Le retour du Maroc au sein de l'Union
africaine est un événement majeur"
Et l'ancien présidentt français d'ajouter : « Le retour du Maroc au sein de l'Union africaine et son intégration à la CEDEAO, c'est très important » car « le Maroc est un pays qui a une économie moderne, c'est un pays stable et démocratique. C'est donc un événement majeur ». Avant de conclure ce chapitre par une petite phrase bien ciselée : « L'échec de l'Afrique sera le drame de l' l'Europe, le succès de l'Afrique sera la survie de l'Europe car nos destins sont liés».
« Je plaide pour que l'Europe mette en place un véritable Plan Marshall pour l'Afrique pour aider l'ensemble des pays africains à développer leurs infrastructures », rappelle l'ancien également président français, en souhaitant ouvertement que les Africains puissent ainsi trouver du travail chez eux et éviter de grossir les flots de l'immigration massive en Europe. Car il faut bien évidemment qu'ils participent d'abord au développement de leurs propres pays.
« Un jour, le plus tôt possible, ce serait tellement extraordinaire d'avoir un véritable marché commun au Maghreb et au Machrek », enchaîne Sarkozy en se disant catastrophé de « savoir que depuis 25 ans la frontière est fermée entre l'Algérie et le Maroc ». Et de rappeller au passage que – s'agissant de la question du Sahara occidental - la France soutient « le projet mis sur la table par le Maroc en 2007 de forte autonomie » pour cette région, une option qui fait l'objet de discussions àdepuis de longues années à Lisbonne... pour explique-t-il « donner la chance du développement économique, de la paix et de la sécurité » à cette région riche en ressources humaines et naturelles mais dont la souveraineté marocaine est encore contestée.
Dans ce contexte, sa venue à Dakhla fut donc un geste fort d'amitié à l'égard du Royaume du Maroc et interprétée par tous comme tel. « L'amitié, ce ne sont pas des mots ni des discours, mais des faits, lâche-t-il. Et ma présence ici est un fait, elle parle d'elle-même, elle dit quelque chose ».
"D'Afrique, les premiers hommes
sont partis à la conquête du monde"
« J'ai essayé de porter l'Union pour la Méditerranée. L'idée reste neuve... » , souligne Sarkozy visiblement prêt à relancer ce beau projet, resté en rade malgré le processus de Barcelone, pour lui redonner vie et réalité car - assure-t-il encore - « la paix se fera par la Méditerranée ».
« Pour moi, il n'y a qu'une seule question majeure », c'est celle du « choc démographique », martèle Sarkozy, interrogé par la journaliste marocaine sur le défi majeur auquel l'Afrique est aujourd'hui confrontée. « Jamais le monde n'a connu un choc démographique d'une telle ampleur de son histoire », ajoute-t-il pour mieux se faire comprendre en observant par exemple que « le Nigeria aura bientôt plus d'habitants que les Etats-Unis ».
L'ex-président émet d'ailleurs l'idée qu'un organisme international soit rapidement créer et mis sur pied pour s'attaquer vraiment à cette question, en rappelant que « nous sommes aujourd'hui 7 milliards d'habitants, dans 30 ans nous serons 9 milliards et, à la fin de ce siècle 11 millards ! ». Dont plus de 2 milliards et demi d'ici 2050 en Afrique, où « les perspectives sont immenses ». Mais « pas question (pour autant) de dire : immigration zéro », lache Sarkozy s'en prenant bille en tête au vieux slogan du Front national.
Avant de rappeler – comme une évidence – que « depuis l'Afrique, les premiers hommes sont partis à la conquête du monde. D'Afrique, les hommes ont conquis le monde ». Comme pour mieux rendre hommage à l'Afrique et mieux faire oublier, ou plus exactement corriger, son célèbre discours de Dakar prononcé le 26 juillet 2007 devant les étudiants de l'Université Cheikh-Anta-Diop où il avait affirmé que «l'homme africain n'est pas assez entré dans l'Histoire ». Un discours qui fit polémique et couler beaucoup d'encre. A Dakhla, Sarkozy a voulu faire amende honorable et tourner la page.
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