Grand meeting de l'opposition ivoirienne à Paris...Me Affoussiata Bamba-Lamine : « Non au 3ème mandat illégal et anticonstitutionnel de Ouattara »
Me Affoussiata Bamba-Lamine, Conseillère juridique de Guillaume Soro, président de Générations et Peuples Solidaires (GPS), candidat à la présidentielle ivoirienne du 31 octobre 2020, au meeting de l'opposition à la Place Victor Hugo
Samedi à Paris, l'opposition ivoirienne au grand complet a emboîté le pas aux manifestations de contestation qui ont eu lieu la semaine dernière en Côte d’Ivoire et ont été réprimées dans le sang. En exil en France, plusieurs personnalités politiques étaient aux côtés des manifestants pour scander comme à Abidjan : « Ouattara dégage ! »
Par Clément Yao
Après la grande marche de « procession » partie de la Place du Trocadéro, les manifestants se sont donné rendez-vous, ce samedi 15 août à la Place Victor Hugo (Paris 16ème), à proximité immédiate de l'ambassade de Côte d'Ivoire pour un meeting dans cet arrondissement très chic de Paris abritant plusieurs représentations diplomatiques, des sièges de sociétés du CAC 40 et des résidences de personnalités politiques françaises.
Tour à tour, les orateurs qui se sont succédé à la tribune, principalement d’anciens ministres, des parlementaires, des chefs d’entreprise, de hauts cadres de l’administration et des leaders de la société civile qui ont fui leur pays, ont tous dit, à l’unisson, « Non » au troisième mandat « illégal » et « anticonstitutionnel » du président ivoirien Alassane Ouattara. Ils ont fustigé la duplicité de son discours et ses déclarations à l’emporte-pièce sur son retrait de la vie politique et ou sa candidature, « qui n’ont pas fini d’étonner les Ivoiriens, les amis de la Côte d’Ivoire et le monde entier. »
« Nous demandons la dissolution de la Commission électorale indépendante (CEI), une nouvelle CEI et la démission de son président », a réclamé Me Affoussiata Bamba-Lamine, ancienne ministre de la Communication et conseillère juridique de Guillaume Soro, candidat à l’élection présidentielle pour Génération et Peuples Solidaires (GPS).
"Nous demandons le retour
de tous les exilés politiques"
Exilé à Paris depuis plusieurs mois pour échapper au mandat d’arrêt international lancé à son encontre pour « tentative présumée d’atteinte à l’autorité de l’État et recel de détournements de deniers publics », l’ancien président de l’Assemblée nationale ivoirienne ne pourra pas se présenter sur la ligne de départ de la présidentielle du 31 octobre, si la situation ne bascule pas dans les prochaines semaines. Une situation jugée impensable pour ses partisans très actifs sur les réseaux sociaux. Ce parti revendique un peu plus de 200 000 adhérents une année seulement après sa création.
C’est pourquoi, sa conseillère juridique a revendiqué d’emblée « le retour de tous les exilés politiques. » Laurent Gbagbo et son épouse Simone Gbagbo, Guillaume Soro, Charles Blé Goudé, Noël Akossi Bendjo – pour ne citer que ceux-là – ont tous été condamnés à 20 ans de prison, privés de leurs droits civiques et gratifiés de plusieurs années d’inéligibilité par la justice ivoirienne.
Me Affoussiata Bamba-Lamine a également réclamé haut et fort la remise en liberté des prisonniers politiques de GPS, parmi lesquels figurent plusieurs parlementaires du mouvement, dont l'ancien ministre Alain Lobognon, qui ont été jetés illégalement en prison depuis décembre 2019 sans même que ne soit levée leur immunité parlementaire.
Dans la foulée, elle en a profité pour exiger la libération inconditionnelle des manifestants interpellés lors des dernières manifestations, au nom du droit à manifester reconnu pourtant par la Constitution ivoirienne, dont plusieurs femmes comme Anne-Marie Bonifon, coordinatrice des femmes GPS d'Abidjan.
"ADO dégage !"
« Quoique la Côte d’Ivoire se soit retirée de la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, le gouvernement ivoirien est obligé d’appliquer toutes décisions rendues par la Cour parce que la Côte d’Ivoire en est toujours membre et donc Etat partie jusqu’au 30 avril 2021 », a martelé Me Affoussiata Bamba-Lamine.
« Notre Constitution est notre boussole, nul ne doit la toucher à sa guise », lance Éric Kahé, ancien ministre de la Réforme administrative puis du Commerce de Laurent Gbagbo et président de l’Alliance Ivoirienne pour la République et la Démocratie (AIRD). A sa suite, les différents tribuns du FPI (Front populaire ivoirien), qui ont pris la parole, ont unanimement demandé l’octroi d’un passeport pour leur leader, l'ex-Président Laurent Gbabgo toujours en exil en Belgique, et son retour en Côte d’Ivoire pour prendre part à la vie politique de son pays.
Au cours de ce meeting sur la Place Victor Hugo, aucun des sujets qui cristallisent les tensions en Côte d’Ivoire n’a été occulté. C’est le cas des violations des droits de l’Homme par le régime d’Abidjan. Dernière illustration en date, les manifestations éclatées de l’opposition et de la société civile du jeudi 13 août dernier qui ont été violemment réprimées dans « le sang » par les forces de l’ordre.
Le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) d’Henri Konan Bédié a d'ailleurs ouvertement laissé entendre que le pouvoir avait fait appel à ses « milices criminelles » contre les manifestants. Une accusation attestée par de nombreuses vidéos diffusées sur les réseaux sociaux où des individus, à visage découvert, avaient appelé sauvagement, au massacre des partisans de l’opposition. Et ce premier bilan est déjà sanglant et éloquent !
Le bilan officiel provisoire communiqué par le ministère de la Sécurité et de la Protection civile fait état déjà de 5 morts, 104 blessés et d’importants dégâts matériels.
« Ouattara va brûler le pays », confiait Guillaume Soro dans une interview exclusive accordée au Journal du Dimanche le 9 août dernier, en déclarant explicitement : « Alassane Ouattara entraîne la Côte d'Ivoire dans un tunnel d'incertitudes. Il viole la Constitution ivoirienne et a franchi la ligne rouge (…) Il n'y a pas d'interprétation possible. C'est une forfaiture. Il est clairement écrit qu'on ne peut se présenter une troisième fois ». Nous y sommes !
Plus que jamais déterminée à dénoncer les inquiétantes « dérives » du pouvoir d’Abidjan, l’opposition ivoirienne en France – qui a donné samedi à Paris une première preuve de sa capacité de mobilisation - dit être à l’écoute des mots d’ordre de ses leaders pour se mettre en ordre de bataille. Avec toujours comme principal slogan le même qu'à Abidjan, Daoukro, Ferké ou Bonoua : « ADO dégage ! ». Car en violant la Constitution pour briguer un 3ème mandat, le Président Alassane Ouattara a paradoxalement réussi à faire l'union de l'opposition ivoirienne contre lui.
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